Frangine, Marion Brunet

Présentation. « Il faut que je vous dise… J’aimerais annoncer que je suis le héros de cette histoire, mais ce serait faux. Je ne suis qu’un morceau du gâteau, même pas la cerise. Je suis un bout du tout, un quart de la famille. Laquelle est mon nid, mon univers depuis l’enfance, et mes racines, même coupées. Tandis que ma frangine découvrait le monde le cruel, le normal et la guerre, ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates. C’est à moi que revient de conter nos quatre chemins. Comment comprendre, sinon ? »

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Mon avis. C’est par hasard, au fil de mes pérégrinations sur le web, que je suis tombée sur ce roman ; tout de suite, j’ai eu l’impression que je devais le lire, pressentant que j’allais l’apprécier (malgré la couverture que je n’aime pas du tout). Mon intuition ne m’a pas trompée, c’est une histoire qu’il est important de découvrir, surtout après ces derniers mois qui ont vu l’étalage indécent en France d’une homophobie encore tellement enracinée chez certains.

Frangine, c’est Pauline, bientôt 15 ans, elle vient d’entrer en lycée ; son frère, Joachim est en terminale. C’est le jeune homme qui raconte pour nous cette histoire d’une famille pas comme les autres… surtout aux yeux des autres. Les parents : Julie et Maline, les mères ; point de père puisque c’est par fécondation artificielle que Julie a pu, a deux reprises, être enceinte.

Si pour Joachim, les choses se sont jusque-là bien passées avec ses condisciples, enseignants, entourage (hormis quelques « couacs »), il n’en va pas de même pour Pauline depuis qu’elle a quitté le collège : elle s’étiole, dépérit et souffre véritablement. Joachim tente alors de découvrir où le bât blesse, tout en menant sa barque d’adolescent aux prises (parfois maladroites) avec sa copine, Blandine, avec qui il aimerait passer « à la vitesse supérieure ».

Parallèlement, chacune des mamans vit aussi des moments difficiles : Julie se pose des questions sur la rupture des liens avec sa mère ; Maline sent peser de plus en plus sur ses épaules le poids d’un travail pénible.

Même si le propos est surtout centré sur les problèmes (le mot est faible) vécus par Pauline, chaque membre de la famille est dépeint face aux écueils rencontrés au quotidien.

Les personnages sont attachants : Pauline, dont la douleur est palpable et poignante, bien décidée à (essayer de) s’en sortir seule ; Joachim, qui se débat entre le soutien qu’il veut devenir pour sa sœur et la liberté qu’elle souhaite garder ; les deux mamans tellement soudées et soucieuses du bien-être des enfants ; les grands-parents qui offrent une bulle de bonheur « ressourçante » durant le congé de Toussaint ; même la maman de Julie réussit à perdre une once d’antipathie, un exploit. Seuls les « gros connards » demeurent des « gros connards ».

J’ai aussi beaucoup aimé l’écriture aux accents tantôt poétiques, tantôt humoristiques.


  « Deux heures de math, c’est un peu comme du temps qui se déroule à l’infini devant toi, interminable et inopérant. Du rien qui te laisse alangui sur ta chaise, parfois fourmillant d’envie de bouger, parfois amorphe comme  une otarie échouée. […]

   Ça m’a un peu sorti de ma torpeur, suffisamment pour entendre le prof de maths nous annoncer un devoir  sur table à la rentrée, juste après les vacances. Comme ça, vous avez deux semaines pour vous y préparer correctement. C’est vrai tiens, quand on part en vacances, on se demande bien ce qu’on va pouvoir faire de son temps. Alors une bonne préparation à un devoir sur table, c’est quand même une perspective très alléchante. [p. 77 – 78]

  « Mes yeux avalaient des kilomètres de bande d’arrêt d’urgence. Je ruminais la nécessité de faire un pas de côté. Sans doute le prix à payer pour que ma sœur puisse tracer sa route.

  Un pas en arrière.

  Laisser ma sœur dans la lumière.

  Lui insuffler courage et confiance, mais fermer ma gueule et garder mes poings dans mes poches. » [p. 175]

  « Un pas de côté, ce n’est pas si facile à faire. C’est tellement plus dur que la ligne droite, comme un effort qui serait aussi un renoncement. 

   Tic-tac. » [p. 211]

 

Vous aurez donc compris que je vous recommande (chaudement) de découvrir cette perle.


NB : un détail – vraiment quelque chose de dérisoire par rapport au propos – : rend-on vraiment encore parfois les copies en classe en énonçant devant tout le monde les points de chacun ???

8 réflexions au sujet de « Frangine, Marion Brunet »

  1. Je suis étonnée de voir une critique de ce livre dont j’ai la chance de connaître l’auteur. Pour connaître un peu son histoire, et la genèse de ce titre, je suis vraiment ravie que tu aies ainsi apprécié cette histoire ! Je fais passer ta critique à l’auteur si tu le permets, ça lui fera évidemment plaisir 🙂

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  2. Je ne demande pas mieux ; j’avais d’ailleurs fait qq recherches afin de voir comment la contacter pour lui faire part de mon enthousiasme 🙂

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  3. J’ai vraiment apprécié ce roman : le sujet, les personnages, l’écriture …. Un bien bon moment de lecture …
    C’est vraiment dommage que la couverture soit aussi « moche » car si je n’avais pas lu ton billet, je n’aurais même pas eu l’envie de découvrir la 4ème de couverture … !

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  4. Certains aiment beaucoup la couverture ; comme toi, je ne l’apprécie guère.
    Je trouve que c’est un récit à faire découvrir (absolument) aux élèves…

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