Catégorie : Loisirs

Un printemps, Marie Le Cuziat

Présentation. « Je m’appelle Angèle. J’ai treize ans. Ma sœur est morte il y a quatre mois, et je ne crois pas que je puisse m’en remettre. Voilà. »
Alors Angèle prend un agenda, et elle écrit. Un agenda, parce qu’il y a un prénom sur chaque page, une nouvelle personne à qui parler chaque jour. Et parce que le temps qui passe finit toujours par faire revenir le soleil.

Mon avis. Des mots sublimes pour raconter la douleur…

De la poésie déposée jour après jour par Angèle sur les pages d’un agenda, des perles pour dire la souffrance du vide tellement présent. Élise est morte, ne restent d’elle que les souvenirs qu’Angèle, sa jeune sœur, couche sur papier en essayant de continuer à vivre… Chaque membre de la famille survit à sa manière : comment faire quand un quatuor devient trio ?

« J’étouffe ici, les chagrins s’accumulent, ça fait des gros tas de larmes partout dans la maison. On se prend les pieds dedans, on tombe, et on ne se relève pas toujours. » [p. 11]

« Élise, elle, aimait beaucoup jouer avec les reflets. Des miroirs cassés, des vieux CD, elle savait faire briller n’importe quoi, n’importe qui aussi d’ailleurs. Il y a des gens qui sont comme des lumières. » [p. 12 – 13]

Angèle évoque le passé et le présent avec/sans sa sœur, ses parents, les séances avec « Madame Machin », les moments passés avec Charlotte, son amie, Marin qui fait battre plus vite son cœur, la vie qui continue, vaille que vaille… Certains jours, la page reste vierge.

« Oui je sais, Alexandre, demain c’est les vacances, Charlotte s’en va. Pas la peine de remuer le couteau dans la plaie, parce que nous, on ne part plus nulle part.

Maman a les yeux vides. Papa est en colère.

Et moi, je me sens en trop. » [p. 57]

« Hier soir, je suis allée dormir chez Charlotte. J’ai écouté le bruit que ça fait, une famille. Si ça se trouve, ils ne savent pas la chance qu’ils ont d’être aussi bruyants. Je me suis rempli la tête de leur agitation, j’ai fait des réserves. » [p. 73]

« Élise, est-ce que tu nous regardes essayer de vivre cette vie d’après ? » [p. 132]

« La joie, ça se travaille, surtout quand elle s’en va quand on ne s’y attend pas. » [p. 144]

Un très beau texte, lu d’une traite, et qui, une fois n’est pas souvent coutume, a jusqu’au bout les couleurs de la voix d’une adolescente…

Un grand merci aux éditions Milan pour ce partenariat.

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Le vertige de la peur, Linwood Barclay

Présentation. Lundi, 8 heures. Plusieurs employés de Cromwell Entertainment empruntent un ascenseur pour rejoindre leurs bureaux situés aux 33e et 37e étages d’un gratte-ciel new-yorkais. Curieusement, la cabine ne s’arrête pas et poursuit sa montée. Avant de lâcher. Un accident mécanique, tragique et banal. Mais le lendemain, un drame similaire se produit dans un autre building du quartier. Puis un autre le mercredi. La panique s’installe dans Big Apple. Qui peut bien menacer la ville la plus verticale du monde ? […]

Mon avis. Un très bon moment de lecture…

Je n’ai, jusqu’à présent, pas encore été déçue par cet auteur qui a le don de ferrer son lecteur pour ne plus le lâcher…

Dans ce roman – qu’il est sans doute préférable de ne pas lire si l’on souffre de phobie des ascenseurs – surviennent de dramatiques accidents d’ascenseurs. Dans un premier temps, il est question d’une malheureuse défaillance technique mais quand le drame, en théorie rarissime, se reproduit, il est devient évident que « quelqu’un » est derrière ce sabotage élaboré…

 » – C’est une terrible tragédie, mais ce genre d’accident est extrêmement rare.

– On pourrait croire le contraire, rétorqua l’ambassadeur. Un hier, un autre aujourd’hui ! » [p. 159]

Le lecteur se lance dans l’enquête en compagnie d’un duo de flics, dont l’un, passionné d’urbanisme, souffre de crises d’asthme aiguës qu’il s’ingénie à cacher à sa coéquipière. En cause un traumatisme qui le hante et dont il tente de faire fi.

« Ses voies respiratoires commencèrent à se resserrer.

Si seulement je n’avais pas bougé. Si seulement je ne m’étais pas jeté sur le côté.

Les gouttes.

Il prit une inspiration, expira, entendit ses bronches siffler. » [p. 89]

Parallèlement, une journaliste de renom tâche d’en savoir plus sur ces drames – elle connaissait l’une des victimes – et au milieu du « jeu de quilles », le maire de New York qu’elle a dans le collimateur depuis un moment. Sans oublier sa propre fille avec qui les relations sont très conflictuelles…

« Elle n’était toujours pas là. Arriver systématiquement en retard à leurs rendez-vous devait faire un partie de ses petites vengeances. » [p. 127]

Les pistes suivies sont autant d’impasses alors que la tension monte. Inexorablement.

Un grand merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

Traduction (anglais – Canada) : Renaud Morin.

Titre VO : Elevator Pitch (2019).

Le quatuor des Smythe-Smith, 1, Un goût de paradis, Julia Quinn

Présentation. Chère lectrice, cher lecteur,
Vous vous demandez sans doute pourquoi la haute société londonienne s’inflige tous les ans la soirée musicale des Smythe-Smith. Bien sûr, les Featherington, les Bridgerton, Colin et Gregory en particulier, et lady Danbury sont installés aux premiers rangs. Et pourquoi diable quatre jeunes filles à marier de cette honorable famille s’évertuent-elles à massacrer Mozart, le sourire aux lèvres ? Les malheureuses ! […]

Mon avis. Une friandise dont je ne me lasse pas (encore)…

Je me suis interrogée : pourquoi diable prendre autant de plaisir à lire ce genre de récit alors que l’on sait pertinemment qu’il ne recèlera nulle surprise ? Ma réponse (oui, oui, je me pose des questions et j’y réponds !) : et pourquoi pas ?

Dès le prologue, le lecteur sait que l’histoire tournera autour du couple « improbable » formé par Marcus et Honoria.

« Honoria était la plus jeune sœur de Daniel et avait une différence d’âge assez marquée avec le reste de la fratrie. Sa naissance, sans doute inattendue, était venue clore sur le tard la remarquable carrière procréative de lady Winstead.

La gamine avait six ans quand Marcus avait fait sa connaissance. Cinq années les séparaient, mais à cet âge, c’était un gouffre. Ses trois grandes sœurs étaient déjà mariées ou fiancées, et Charlotte, l’avant-dernière, l’envoyait tout le temps promener. Quant à Daniel, il la fuyait comme la peste. Toutefois, son départ pour Eton avait dû décupler l’affection de la petite, car dès qu’il rentrait à la maison, elle le suivait partout comme un chiot fidèle. » [p. 13]

On retrouve les « futurs amoureux » en 1824. Honoria n’en peut plus d’attendre que se produise « quelque chose » qui détournera son ennui. Son frère adoré Daniel a été contraint de quitter l’Angleterre suite à un duel qui a « mal tourné » et depuis lors, leur mère a sombré dans une langueur dont Honoria fait les frais. En outre, la jeune femme peine à trouver un mari, les rares soupirants n’ayant pas « donné suite »… Et pour cause, Daniel a demandé à Marcus d’éloigner certains indésirables, ce qu’Honoria ignore bien évidemment…

« Alors il la surveillait de loin et avait fait en sorte d’éloigner un ou deux prétendants indésirables.

Ou peut-être trois.

Ou quatre.

Il avait promis à Daniel.

Et Marcus Holroyd tenait toujours ses promesses. » [p. 38]

Marcus, quant à lui, est très prisé des demoiselles en quête d’un beau parti – dont les cousines d’Honoria – : séduisant ou ténébreux selon les avis, il ne risque en aucun cas d’avoir des « fins de mois » difficiles.

De son côté, Honoria a décidé de prendre le taureau par les cornes et a jeté son dévolu sur Gregory Bridgerton.

« Le dimanche après-midi, Honoria avait acquis la conviction d’avoir fait le bon choix.

Gregory Bridgerton était le mari idéal.

La veille, au dîner, ils avaient été placés l’un à côté de l’autre. Gregory s’était montré charmant. S’il n’avait pas paru particulièrement ébloui par sa conversation ou son physique, aucune autre jeune fille n’avait non plus semblé retenir son attention. Il était gentil, courtois, et son sens de l’humour lui plaisait. » [p. 61]

C’est ainsi qu’Honoria met au point un stratagème destiné à faire tomber Gregory dans ses filets… sauf que c’est Marcus qui s’écroulera, au sens propre. Prémices d’une relation que ni l’une ni l’autre n’avait envisagée…

Quid du quatuor me direz-vous ? Dans la famille Smythe-Smith, les jeunes filles non mariées ont l’insigne (dés)honneur de proposer un « récital » auquel assistent famille et amis. Car jusqu’à présent, aucune des « musiciennes » n’a réussi l’exploit de ne pas écorcher les oreilles du public. Chacune le sait mais on ne peut lutter contre la tradition. Et quand bien même, Honoria ne le voudrait pas…

Une lecture bien agréable…

« Et elle ne savait pas ce qui la touchait le plus, qu’il l’ait remerciée, ou qu’il ait d’abord prononcé ce simple mot : Toi. » [p. 177]

« Honoria l’avait percé à jour, elle voyait au-delà de la distance qu’il instaurait entre les autres et lui. Elle le comprenait mieux qu’il ne se comprenait lui-même. » [p. 202]

Traduction (anglais USA) : Anne Busnel.

Titre VO : Just like heaven (2011).

Les sœurs d’Auschwitz, Heather Morris

Présentation. « Je veux que vous me promettiez et que vous promettiez chacune à vos deux sœurs de toujours veiller les unes sur les autres. Que vous ne laisserez rien vous séparer. Compris ? « 

Slovaquie, 1942. Les années ont passé depuis que Livia, Cibi et Magda Meller ont fait ce serment à leur père. Car dans une Europe désormais à feu et à sang, chaque jour est un sursis pour les trois adolescentes juives.

Pourtant, quand Livia est arrêtée par les nazis, Cibi tient sa promesse et suit sa sœur dans l’enfer d’Auschwitz, où elles seront bientôt rejointes par Magda.

Confrontées à l’horreur et à la cruauté du camp, les trois sœurs vont formuler un nouveau vœu. Celui de survivre. Ensemble.

Mon avis. Un récit à lire aussi pour « l’après »…

Après avoir lu et apprécié Le tatoueur d’Auschwitz et Le voyage de Cilka, je me suis lancée dans ce récit, lui aussi basé sur des témoignages…

Le récit débute par la promesse que se font les trois petites filles en 1929 : celle de veiller l’une sur l’autre, quoi qu’il advienne. Cibi, Magda et Livi ont alors respectivement 7, 5 et 3 ans.

« Menachem Meller regarde ses jolies filles dans les yeux. Elles sont insouciantes, elles ignorent les dures réalités de la vie hors de leur petite maison bien tranquille. […]

Demain aura lieu l’opération pour extraire la balle de son cou. Pourquoi celle-ci ne pouvait-elle pas rester où elle était ? Il n’a cessé de prier pour avoir davantage de temps auprès de ses filles. » [p. 13]

Mars 1942. Menachem n’a pas survécu à l’opération ; les trois sœurs vivent désormais avec Chaya, leur maman, et Yitzchak, leur grand-père. Cibi fait partie d’un « programme de formation visant à enseigner aux jeunes les compétences nécessaires pour commencer une vie nouvelle en Palestine », la Hakhshara. [p. 21]. Magda a de la fièvre et pour éviter qu’elle soit emmenée pour « travailler » pour les Allemands – c’est, selon les rumeurs, le lot des jeunes Juifs -, le docteur Kisely l’admet à l’hôpital. Quant à Livi, elle n’a que quinze ans, elle ne risque donc rien. C’est ce qu’ils croient en tout cas…

Les amis de la veille sont devenus des ennemis enrôlés dans la Garde Hlinka, chargée de faire la chasse aux Juifs. Livi est bientôt sommée de rejoindre d’autres jeunes contraints de « travailler » pour les Allemands. Nul ne le sait, mais c’est un aller simple pour Auschwitz. Cibi décide de tenir sa promesse et de l’accompagner. Le début de l’enfer…

« Mais ensuite, les sœurs sont paralysées par la vue des hommes à la tête rasée et aux joues creuses qui déferlent sur le train. Vêtus de chemises et de pantalons rayés bleu et blanc, ils se déplacent comme des rats fuyant un navire en train de couler, puis ils se hissent dans les wagons et commencent à lancer les valises des filles sur le quai. » [p. 66]

Le froid, la faim, la promiscuité, les coups, le travail forcé, les maladies, les sélections se succèdent et toujours les sœurs se soutiennent. Quand l’une est près d’abandonner, l’autre lui insuffle l’énergie de continuer à survivre. Et dans cet enfer, parfois surgit un soupçon « d’humanité » – côté prisonnières ou côté bourreaux – qui les aidera à tenir. Leur seul réconfort : l’idée que Magda échappe à l’innommable…

« Si 1943 est une nouvelle année, elle ressemble à s’y méprendre à 1942. Livi travaille au Kanada et Cibi est l’assistante de l’officier SS Armbruster ; elles sont donc au moins encore ensemble au détachement des foulards blancs. Cibi ne prie toujours pas, mais chaque soir elle murmure « Mumma, Magda, Grand-père » et les imagine chez eux, en sécurité dans la petite maison de Vranov. Chaque nuit, elle serre Livi dans ses bras. C’est ainsi qu’elles tiennent bon. » [p. 129]

Septembre 1944, c’est au tour de Magda d’être déportée : des mois et des mois qu’elle attend de rejoindre ses sœurs, sans savoir où elles se trouvent. Sans savoir ce qu’il leur est arrivé. Elle-même débarque à Birkenau. La promesse est désormais honorée…

Le récit, écrit après la rencontre entre Heather Morris et Livi et Magda – Cibi étant décédée en 2015 -, suite à la lecture du Tatoueur d’Auschwitz, que les sœurs ont connu, raconte également l’après Auschwitz, la marche de la mort, l’installation en Israël et l’amour indéfectible qui unit les sœurs. La culpabilité aussi, celle d’avoir survécu, parfois au détriment d’autres ; pour Magda, celle d’avoir été sauve beaucoup plus longtemps que ses sœurs ; pour d’autres rescapés, d’avoir « moins » souffert. Et cela, même si « Ce n’est pas une compétition. Ton histoire est terrible, toutes nos histoires sont aussi abominables les unes que les autres. » [p. 453]

Le livre se termine avec des documents d’époque, photos et postfaces de Livi – toujours en vie, Magda étant décédée en 2022 – et membres de sa famille.

Traduction (anglais – Australie) : Marie-Axelle de La Rochefoucauld.

Titre VO : Three Sisters (2021).

Un grand merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

Impact, Olivier Norek

Présentation.


FACE AU MAL QUI SE PROPAGE
ET QUI A TUÉ SA FILLE,
POUR LES MILLIONS DE VICTIMES PASSÉES
ET LES MILLIONS DE VICTIMES À VENIR,
VIRGIL SOLAL ENTRE EN GUERRE, SEUL,
CONTRE DES GÉANTS

Mon avis. Fameux impact effectivement. Un uppercut même

Une enquête qui est ici prétexte à dénonciation, basée sur des faits réels ; pour preuves, les multiples références renseignées à la fin du « roman ».

Focus sur Virgil Solal, dans le delta du Niger, sur la route des oléoducs, en 2020.

« Le regard dur et les cheveux courts, Solal était l’archétype du gradé militaire. La quarantaine, peut-être dix de moins ou dix de plus, impossible à dire. Il y a des hommes, comme ça, sans âge. » [p. 15]

Solal est contraint de rapatrier une jeune humanitaire française, missionnaire d’Amnesty International. Autour de la femme, « près de trois cents personnes, femmes, hommes et enfants, avec, à leurs pieds, leur vie en quelques valises, sacs de toile ou sacs-poubelle. » [p. 17]

La Nigerian Police Mobile Force qui accompagne Solal est, quant à elle, chargée d’emmener le groupe au bidonville de Port Harcourt.

« – Ce sera toujours mieux qu’ici. Les poissons crèvent, ce qui sort de la terre est déjà presque mort et l’eau des puits est empoisonnée par les métaux lourds. L’air est tellement pollué qu’il provoque des pluies acides qui trouent les toits en tôle et transforment la roche en poussière. Vous pouvez imaginer ce qu’elles font sur leur peau. » [p. 19]

À cent mètres de là, « un cratère profond, rempli à ras bord de cadavres à des stades différents de décomposition. […]

Vos pieds sont posés sur l’un des endroits les plus toxiques du monde et voilà une partie du résultat. Des dizaines de décès par semaine et par village, ils meurent trop vite pour qu’on ait le temps de les enterrer. […]

– Pourquoi autant de gosses ?

– Choisissez. Mort prématurée, saturnisme, cancers, troubles cardio-vasculaires, respiratoires, neurologiques. Ici, un gamin sur deux est malade. L’espérance de vie au Nigeria est de cinquante-cinq ans, mais elle tombe à 40 ans dans le delta. L’activité pétrolière à elle seule leur prend donc quinze ans de vie à chacun. » [p. 20 – 21]

Ébranlé par ce qu’il a pu voir au cours de ses missions et un drame personnel, Solal décide qu’il n’a d’autre choix que de se battre contre les « géants du pétrole » qui, par cupidité, détruisent impunément planète et êtres humains.

C’est ainsi qu’il enlève le PDG de Total et exige une rançon faramineuse en échange de sa libération. Si le groupe refuse de payer, le PDG sera exécuté. « Originalité » : chaque fois que, avant l’expiration du délai, le groupe « fait un pas vers la planète », le groupe récupère une partie de la rançon.

Diane Meyer, psychocriminologue « torturée », et le capitaine Nathan Modis sont chargés d’entrer en contact avec le ravisseur.

Le récit se poursuit par les « négociations », via écran interposé, entamées avec un ravisseur déterminé à aller au bout de son raisonnement, lui qui, désormais, a déjà tout perdu.

De l’autre côté, Diane et Nathan, dont la réflexion évolue sensiblement au fur et à mesure des confrontations avec Solal…

 » -Je me trompe ou ça commence à être difficile de le détester ?

La psy tenta de se dissimuler derrière sa fonction.

– Je dois juste le profiler. Ce n’est pas mon rôle d’aimer ou de haïr. Je dois le comprendre pour l’expliquer aux enquêteurs. Mais j’avoue que j’aurais préféré faire face à un idiot ou à un salaud. » [p. 88]

« Modis se rappela alors ces mots qui, comme un venin, couraient dans ses veines depuis la veille : « Je sais qu’à la fin, tu feras ce qui est juste. » Il faudrait qu’après tout cela, il puisse regarder sa fille dans les yeux. Se regarder lui aussi, dans le miroir, pour y voir peut-être à son tour ces millions de morts par an qui le jugeraient. Défendrait-il des inconscients qui nous mènent à l’extinction ou défendrait-il un assassin prêt à tuer pour protéger les autres ? » [p. 165]

Le fil de l’enquête est entrecoupé de passages, tirés de l’actualité récente, renforçant le propos.

Un récit qui plonge le lecteur dans le cynisme le plus abject de ceux qui exploitent notre planète jusqu’à plus soif ; un récit qui suscite inévitablement la réflexion : peut-on sacrifier quelques « individus » pour (tenter de) faire bouger les choses ?

Un récit à (faire) lire, même si la prise de conscience est douloureuse et « désespérée ». Et dans le même ordre d’idée, visionner la série Jeux d’influence de Jean-Xavier de Lestrade, avec l’excellente Alix Poisson, sur Arte. Et prévoir un bon moment de détente après pour respirer à nouveau…

Par accident, Harlan Coben

Présentation. Il y a quinze ans, la vie de Nap Dumas a basculé : son frère jumeau et la petite amie de celui-ci ont été retrouvés morts sur la voie ferrée. Double suicide d’amoureux ? Nap n’y a jamais cru.
Désormais flic, Nap voit ressurgir le passé : Rex, leur ami d’enfance, vient d’être sauvagement assassiné. Sur les lieux du crime, les empreintes d’une femme que Nap pensait disparue : Maura, son amour de jeunesse, dont il était sans nouvelles depuis quinze ans. Le choc est total pour le policier. Celle qu’il aimait serait-elle une dangereuse psychopathe ? Où est Maura ? Et s’il était le prochain sur sa liste ? La vérité est proche. Si proche. Bien plus terrible et dangereuse que tout ce que Nap imagine…

Mon avis. J’ai eu l’occasion de renouer avec mes anciennes amours et bien m’en a pris…

J’ai lu par le passé beaucoup de livres d’Harlan Coben, ceux mettant en scène Myron Bolitar étant mes préférés. Point de Myron en dehors d’une incursion éclair, mais j’ai apprécié le roman. Il m’a pourtant fallu du temps avant d’entrer dans le texte, je ne le trouvais pas particulièrement « bien écrit » – j’ai entre-temps pris goût à l’écriture plus « travaillée » d’autres auteurs de récits « policiers ». Bref, j’ai dû m’accrocher… et la sauce a fini par prendre…

Le « héros » est un policier qui franchit régulièrement la ligne rouge lorsqu’il estime qu’il est de son droit de s’en prendre à des ordures que la justice laisse tranquilles, même si ses actes sont contraires à la loi.

« Je balance la batte d’une seule main, car c’est le plus rapide. Elle cingle comme un fouet le genou de Très. Il hurle, mais ne tombe pas. J’empoigne la batte à deux mains maintenant. […]

La batte atterrit sur le même genou.

Très s’effondre comme touché par une balle.

– S’il vous plaît…

Cette fois, je lève la batte au-dessus de ma tête à la manière d’une hache et, en y mettant tout mon poids, vise toujours le même genou. Je sens quelque chose qui craque. » [p. 22]

Nap(oléon) est contacté dans le cadre de l’enquête sur le meurtre d’un ancien camarade de classe. Les empreintes de l’amie de Nap, Maura, figurent sur la scène de crime. Or Maura a disparu quinze ans auparavant, peu après que le frère jumeau de Nap et l’amie de ce dernier, ont été retrouvés morts sur une voie ferrée. Nap n’a jamais cru à la version officielle du double suicide.

L’écheveau est extrêmement difficile à démêler pour Nap qui n’est évidemment pas censé enquêter. Pas à pas, il tente de reconstituer ce qu’ont été les semaines précédant la mort de Leo et Diana. Tout semble tourner autour de l’ancienne base de lancement de missiles Nike… Les apparences sont-elles trompeuses ?

Traduction (américain) : Roxane Azimi.

Titre VO : Don’t let go (2017).

Finie la timidité, Plein de tests et conseils pour apprendre à s’affirmer et surmonter sa timidité !, Stéphanie Duval, Nadège Larcher (texte et conception), Célia Niles, Clémence L’allemand (illustrations)

Présentation. Et si tu apprenais à te connaître par le jeu ?

Parles-tu facilement devant les autres ? Rougis-tu dès qu’on t’adresse la parole ? Réussis-tu à affirmer tes goûts dans un groupe ? Pars à la découverte de toi-même avec les 10 grands tests de ce livre. Grâce aux conseils et aux activités que nous te proposons, tu apprendras à t’affirmer et à vaincre ta timidité, et tu verras : ça change la vie !

Mon avis. Un album très intéressant qui propose dix tests relatifs à des situations susceptibles de poser problème aux jeunes timides.

Sais-tu reconnaître de quoi tu as besoin ? Oses-tu affirmer tes goûts ? Oses-tu dire « Non ! » ? Te donnes-tu le droit de te tromper ?…

Chaque question est suivie de trois propositions de réponse.

Sont ensuite proposés les résultats liés aux réponses fournies.

Enfin, une partie est réservée aux parents désireux d’en apprendre davantage sur ce qu’ils peuvent mettre en œuvre pour venir en aide à leurs rejetons.

Un album destiné aux enfants de 7 à 11 ans, testé et approuvé en famille.

Un grand merci aux éditions Bayard pour ce partenariat.

Chasseurs de sorcières, Max Seeck

Présentation. La mise en scène du meurtre de Maria Koponen, longue robe noire et visage déformé par un rictus hideux, est l’exacte reproduction d’un rituel macabre imaginé par son mari, Roger Koponen, dans l’un de ses romans.
Mais alors qu’il se rend à Helsinki pour répondre aux questions des enquêteurs, l’écrivain disparaît brutalement dans un accident de voiture.
Chargée de traquer des tueurs qui tentent de faire revivre l’Inquisition, la capitaine de police Jessica Niemi ne tarde pas à découvrir que tout la ramène aux intrigues de Koponen.
Au détour de ses recherches, la fascinante enquêtrice va aussi exhumer de terribles fragments de sa propre histoire.

Mon avis. Une belle découverte…

Voici un auteur scandinave (finlandais) dont je n’avais encore jamais entendu parler ; je le relirai volontiers et surtout, je retrouverai avec plaisir l’enquêtrice à l’œuvre dans le roman, Jessica Niemi.

Tout commence par le meurtre de Maria Koponen, mis en scène exactement comme dans l’un des romans écrits par son célèbre mari. Jessica Niemi, policière peu conventionnelle, est chargée de cette enquête difficile : ce premier assassinat n’est que le premier d’une série et le tueur semble prendre des plaisir à narguer les forces de l’ordre…

« L’homme qui a dessiné un sourire sur les traits inanimés de Maria Koponen est peut-être en train de les regarder, du plus profond des ténèbres. Il n’est nulle part. Et pourtant il est partout. » [p. 41]

Au centre des investigations, une phrase, Malleus Maleficarum, qui renvoie « à un ouvrage du XVe siècle traitant des persécutions contre les sorcières, Le Marteau des sorcières. » [p. 89]

Indépendamment de l’enquête proprement dit, j’ai vraiment apprécié les personnages et leurs « nuances » : la personnalité de Niemi est complexe, mystérieuse, même pour ses « proches », « torturée » d’une certaine manière ; au fil du texte est également longuement évoqué un pan de sa vie passée, un voyage à Venise qui, on finira par s’en rendre compte, l’a façonnée. Irrémédiablement. Son supérieur, le commissaire divisionnaire Erne Mikson, est aussi abondamment décrit, avec ses fêlures. Les pièces du puzzle finiront par former un tout cohérent, tant concernant l’enquête que les zones d’ombre relatives à l’équipe.

Traduction (finnois) : Martin Carayol.

Titre VO : Uskollinen lukija (2019).

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

Doggerland 2 : La part de l’ange, Maria Adolfsson

Présentation. Tandis que les festivités de Noël battent leur plein, un cadavre est retrouvé près d’un bassin minier de Noorö, l’île la plus au nord de l’archipel du Doggerland. Un accident qui se révèle bien vite être un meurtre savamment dissimulé. Heureuse d’avoir une bonne raison d’échapper à des fêtes de famille déprimantes, l’inspectrice Karen Eiken Hornby se saisit de l’enquête.
La veille du Nouvel An, un autre crime est commis, cette fois en lien avec la distillerie locale de whisky. Peu à peu, Karen prend conscience que ses proches semblent en savoir plus qu’il ne le faudrait sur les deux affaires…

Mon avis. Une auteure que je continuerai à suivre…

J’ai découvert Maria Adolfsson dans Faux pas, qui m’avait séduite. Cette deuxième enquête m’a également beaucoup plu.

Le lecteur retrouve Karen en train de « fêter » Noël en compagnie de famille « élargie » (Sigrid, la fille de son agaçant supérieur, Jounas Smeed, installée apparemment à demeure, en fait visiblement partie) et amis. Si l’idée avait séduit Karen quelques semaines auparavant, elle se sent à ce moment en dehors de l’ambiance festive et aspire à la solitude….

Smeed va la sortir de ce mauvais pas en quelque sorte en lui confiant une enquête alors même qu’elle est encore en arrêt maladie. Il n’a pas d’autre choix s’il veut pouvoir se rendre en Thaïlande pour les fêtes, comme prévu.

« Karen soupire intérieurement. Ni le médecin légiste ni le chef du service technique ne doivent se réjouir d’être envoyés à Noorö pendant les fêtes. Surtout Kneought Brodal, le légiste, qui risque d’être d’une humeur de chien. » [p. 29]

« Le coup de fil de Jounas Smeed lui est apparu comme une véritable bouée de sauvetage. Retourner bosser après ce congé maladie éreintant est synonyme de vacances bien méritées. Une mission concrète, quelque chose dont elle est capable. » [p. 37]

C’est ainsi que Karen se retrouve « dans le bain » plus tôt que prévu, direction Noorö, là où elle a passé son enfance. Un retour aux sources qui fait ressurgir des sensations, des émotions qu’elle croyait profondément enfouies, sur fond d’une enquête qui risque de lui attirer les foudres de sa famille…

« La voix de son cousin avait pris une tonalité qu’elle ne lui connaissait pas. Subitement, elle avait ressenti un léger froid dans ces retrouvailles chaleureuses. » [p. 114]

Le récit de l’enquête à proprement parler est entrecoupé de pages se centrant sur une femme – on découvrira plus tard qui elle est pour Karen – battue comme plâtre par son « respectable » mari et qui n’en peut plus.

« Elle avale sa salive et se force à respirer lentement pour tenter d’évacuer le nœud qui lui serre la gorge. Pour chasser les pensées de son esprit, cette voix qui lui souffle de le quitter avant qu’il ne soit trop tard. Mais ce n’est pas aussi simple. Les mots se fraient un chemin sous sa peau, se glissent au plus profond. Elle se laisse un instant envahir, jusqu’à ce qu’un bruit venu d’en bas la fasse sursauter. […]

Dans les deux prochaines heures, sa mission est simple : ne pas le provoquer, ne pas « chialer ». Tenir le choc jusqu’à ce qu’il en ait fini pour cette fois.

Et surtout éviter que les enfants entendent. » [p. 91 – 92]

J’ai apprécié tant l’enquête à proprement parler – et la frayeur de la fin du récit – que tout ce/tous ceux qui gravite(nt) autour et j’ai retrouvé avec grand plaisir Karl Björken qui, lui aussi, rencontre des soucis d’ordre personnel…

Je rempilerai volontiers pour Doggerland 3.

Traduction (suédois) : Marina Heide.

Titre VO : Stormvarning (2019).

Un grand merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

Outlander, L’adieu aux abeilles, partie I, Diana Gabaldon

Présentation. En l’an 1779, Claire et Jamie savourent leurs retrouvailles avec leur fille Brianna, Roger, le mari de celle-ci, et leurs enfants, à Fraser’s Ridge. Il y a peu, ce rêve leur paraissait encore inaccessible.

Mais même dans ce coin isolé de Caroline du Nord, les effets de la guerre se font sentir. La tension dans les Colonies ne cesse de croître et la colère des habitants monte chaque jour d’un cran. Jamie a conscience que ses fermiers connaissent des conflits de loyauté et que le danger est à leur porte.

Lorsque les Colonies du Sud se soulèvent, la Révolution se rapproche encore davantage de Fraser’s Ridge. En sa qualité de soignante, claire se demande combien de ceux qu’elle aime vont encore devoir verser leur sang…

Mon avis. Je ne me lasse décidément pas de cette série…

C’est avec grand plaisir que j’ai retrouvé les protagonistes de cette saga : Brianna, Roger et leurs enfants ont réussi à retrouver leurs « célèbres parents », attelés à la lourde de tâche de reconstruire la « grande maison » dévastée par un incendie.

Claire et Jamie savent que les troubles qui agitent le continent finiront par les rejoindre et que le fragile équilibre du Ridge volera bientôt en éclats puisque y vivent les loyalistes, acquis à la couronne anglaise, et les Indépendantistes. Au milieu du « jeu de quilles », Jamie, désireux de protéger chacun et particulièrement sa famille…

Cet épisode me semble être une espèce « d’entre-deux » car la tension s’accentue progressivement et l’on sait que le fragile équilibre va bientôt basculer…

Côté personnages y apparaissent également sporadiquement William, le fils « contre son gré » de Jamie, ainsi que Lord John. J’ai particulièrement apprécié la jeune Frances, sauvée d’un bordel par William et confiée par celui-ci aux bons soins de Claire et Jamie.

 » – Je ne chasserai pas un homme de chez lui en raison de ses convictions, poursuivit Jamie.

Il s’interrompit un instant pour ôter ses lunettes. Je savais qu’il fixait directement les visages des hommes qui s’étaient ouvertement déclarés loyalistes et je résistai à l’envie de lancer des regards autour de moi.

– Toutefois, j’ai le devoir de protéger cette terre et ses métayers. Je n’y manquerai pas. Pour ce faire, j’aurai besoin d’aide et lèverai donc une milice. À ceux qui souhaiteront s’y joindre, je donnerai une arme ainsi qu’une monture s’ils n’en ont pas. Ils seront également nourris lors de nos expéditions. » [p. 621 – 622]

À suivre donc…

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

Traduction : Philippe Safavi.

Titre VO (anglais USA) : Go tell the bees that I’m gone (2021).