La reine Charlotte, Avant les Bridgerton, Julia Quinn & Shonda Rhimes

Présentation. Avant les Bridgerton, une histoire d’amour a changé le monde…

En 1761, par une journée ensoleillée de septembre, un roi et une reine se rencontrent pour la première fois, quelques minutes avant leur mariage. Née allemande, la princesse Charlotte de Mecklembourg-Strelitz est belle, intelligente, et surtout têtue. Autant de qualités qui lui seront utiles, car le souverain cache de lourds secrets… susceptibles d’ébranler les fondements mêmes de la monarchie. Propulsée dans son nouveau rôle, la reine découvre comment naviguer dans les méandres de la politique tout en protégeant son cœur. Par-dessus tout, elle doit apprendre à gouverner et comprendre qu’elle a reçu le pouvoir de transformer la société. Plus jamais elle ne sera Lottie. Charlotte a un destin à accomplir.

Mon avis. Une lecture agréable, différente de ce que j’ai lu précédemment de « l’univers Bridgerton »…

Nous suivons dans cet opus la jeunesse de l’excentrique reine Charlotte découverte bien plus tard dans la série Bridgerton. Nous sommes en 1761 et la jeune Sophie-Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, princesse allemande, est sur le point d’épouser George III, roi de Grande-Bretagne et d’Irlande. Son frère Adolphe l’a pour ainsi dire « offerte » à la couronne britannique, sans qu’elle ait eu voix au chapitre, cela va de soi. Or Charlotte n’a pas plus envie de quitter son État du Saint-Empire romain germanique que d’épouser un homme qu’elle ne connait pas, tout monarque soit-il.

« Elle était hors d’elle et elle avait peur. Chaque lieue parcourue la rapprochait d’un avenir incertain. Elle ne comprenait pas pourquoi tout cela lui arrivait, et elle se sentait impuissante, insignifiante, stupide. […]

– Nous n’avions pas le choix. Je n’avais pas le choix. Tu veux une explication, Charlotte ? Je n’en ai pas. Ou alors… elle serait terrible. Il est vrai que les gens comme eux n’ont jamais épousé les gens comme nous. Mais je ne peux pas refuser ! Je ne peux pas me faire un ennemi du monarque le plus puissant du monde. Alors tais-toi, fais ton devoir et sois heureuse ! » [p. 19 – 20]

Ce récit diffère des autres lus précédemment dans le sens où « tout n’est pas joué dès les premières pages ». Bien sûr, on sait ce qu’il en est de la relation entre Charlotte et George si l’on a vu la série des Bridgerton, mais l’on découvre ici une Charlotte beaucoup plus « profonde » que l’image donnée dans l’adaptation.

Celle qui est devenue reine est profondément malheureuse et n’arrive pas à comprendre comment le roi peut se comporter à son égard de façon tantôt charmante, tantôt ignoble, sans que rien ne puisse apparemment le justifier. Elle trouvera un soutien auprès de Agatha Danbury, récemment « accréditée » auprès de la famille royale, au même titre que d’autres familles d’origine africaine, et promue suivante de la reine. Derrière ces changements, Augusta, la mère du roi, intrigante hors pair… même si elle a été, dans un premier temps, fort « étonnée » de la « couleur foncée » de la jeune femme.

« Je pensais qu’elle serait de la couleur du café au lait. » [p. 28]

Or il est inimaginable que « les gens » apprennent que la couronne ignorait que « sa peau est brune. » [p. 30]. Il est donc impératif de transmettre le message d’un peuple uni. D’où l’idée d’Augusta d’élargir la liste des invités au mariage quelques heures avant la cérémonie.

« Léonora Smythe-Smith, qui prononçait toujours dix mots quand cinq auraient suffi, se tourna vers elle.

– Sapristi, mais que faisons-nous ici ?

– Aucune idée, répondit Agatha.

– Avez-vous vu comme tout le monde nous observe ?

Bien sûr qu’Agatha l’avait vu. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer les regards hostiles que leur lançaient les autres membres de l’aristocratie.

Les Danbury, les Smythe-Smith, les Basset, les Kent… Toutes ces familles respectables avaient beau jouir d’une grande fortune et de nombreux privilèges, elles vivaient en marge de la noblesse britannique.

Étant noire, Agatha avait su dès l’enfance qu’elle ne fréquenterait pas les filles de ces gens, et que leurs fils ne la considéreraient jamais comme une épouse acceptable. » [p. 34]

Voilà donc le début de ce que le Parlement a nommé « La Grande Expérience », autrement dit la « mixité » de la haute société anglaise, l’objectif étant que Charlotte donne des héritiers à George, tout en ne se rendant pas compte que son royal époux est « dérangé ». C’était sans compter sur les liens qui se nouent entre les souverains, sur la gravité croissante de la maladie du roi, sur le caractère affirmé de Charlotte.

Au milieu du jeu de quilles, deux personnages savoureux : Brimsley, au service de la reine, et son homologue au service du roi, Reynolds, chacun soucieux du bien-être de celui qu’il sert, l’intérêt de l’un semblant parfois aux antipodes de celui de l’autre…

Une lecture qui m’a beaucoup plu ; je peux maintenant visionner la série.

Traduction (anglais USA) : Anne Busnel et Émilie Terrao.

Titre VO : Queen Charlotte, A Bridgerton Story (2023).

Un grand merci aux éditions J’ai Lu pour ce SP.

Nuuk, Mo Malø

Présentation. Après un séjour au Danemark, l’inspecteur Qaanaaq Adriensen, fragilisé par les aléas de sa vie personnelle, retrouve son poste de chef de la police de Nuuk, capitale du Groenland. Il est appelé sur le suicide inexpliqué d’une jeune femme dont la main porte un étrange tatouage, exécuté selon un ancien rituel chamanique inuit. Ce détail relie l’affaire à un improbable colis expédié à son nom. Quand d’autres suicides surviennent, l’enquête de Qaanaaq prend l’allure d’une hallucinante course-poursuite. Une lutte contre le mal et contre lui-même.

Mon avis. Une froide efficacité…

Troisième opus des « (més)aventures » de Qaanaaq Adriensen après Qaanaaq et Diskø, un « rendez-vous » chaque fois bien appréciable au pays de glace.

Cette fois, Qaanaaq se retrouve confronté à une vague de suicides. Il est censé ne pas enquêter car contraint de participer à des entretiens réguliers avec la psychiatre qui lui a été assignée. Tant que Pia Kilanaq ne l’estimera pas totalement apte à reprendre du service, il ne pourra prendre part à une enquête criminelle. Autant dire que Qaanaaq ronge son frein, tout en ne pouvant, il en a bien conscience, l’envoyer « se faire voir ailleurs ».

C’est en manœuvrant plus ou moins habilement entre ce qu’il n’est pas censé faire et ce qui est « toléré », qu’il va – bien évidemment – poursuivre ses investigations, avec l’aide – discrète – de son équipe.

« Une décharge le traversa. L’excitation. Il se sentait à nouveau si vivant. Être flic : cette névrose dont on ne se débarrassait jamais tout à fait. Ce poison si doux qu’on en oubliait les interdits comme les injonctions. » [p. 89]

Sa vie personnelle évolue puisqu’il va devenir papa mais comment être sûr que Massaq tolérera désormais encore qu’il consacre sa vie avant tout à la police ? Il n’a que trop conscience de la patience (infinie ?) de sa compagne…

« Il se retint un instant, puis, fixant Appu, lâcha ces mots d’une voix hésitante :

– Je ne t’ai pas dit, mais on a choisi le prénom du bébé.

Quoi d’autre qu’une telle légèreté, à cet instant, pour ne pas s’écrouler ?

Le visage de son compère s’arrondit de surprise :

– Vraiment ? Et il s’appellera comment, ce champion ?

– Bodil. Bodil Adriensen-Nemenitsoq.

Bodil.

Le prénom de la défunte sœur cadette d’Apputiku. Car selon une coutume aussi vieille que les Inuits eux-mêmes, il convenait de perpétuer l’existence des morts en attribuant leur ateq au prochain nouveau-né de la famille, quel qu’en fût le sexe.

L’air de rien, Qaanaq venait de faire de lui un membre de sa famille. Son frère. Les yeux d’Appu se plissèrent, deux fentes de joie et de gratitude. Il ne trouva rien à répondre en retour qu’un rire aussi bondissant qu’une source. Et toute la nature alentour semblait se réjouir avec lui. » [p. 39 – 40]

Encore une fois, j’ai beaucoup apprécié retrouver tant la plume de Mo Malø que ses personnages naviguant au milieu de cette atmosphère particulière qu’est celle du grand froid, avec ses particularités à mille lieues des nôtres.

Quant à l’enquête elle-même, elle s’avère particulièrement ardue…

« Il était touché au-delà des mots par leur solidarité. On eût dit une communion, sans liturgie ni cérémonial, juste cinq hommes et une femme réunis par le culte de la vérité.

Après toutes ces années de métier, avait-il trouvé sa place ici, sa vraie place de flic ? En quelque sorte : une famille ? » [p. 265]

Suite au prochain épisode…

Un abri de fortune, Agnès Ledig

Présentation. « Avec un peu d’amour, on fait de grandes choses. En deux années, mes voisins ont transformé cette bâtisse vosgienne à l’abandon en refuge. Du haut de mon banc et de mon grand âge, je viens chaque jour guetter les changements. Les trois premiers locataires sont aussi cabossés que moi. Un homme qui se remet d’un geste irréparable, une gamine fragile comme un moineau et une femme camouflant la misère sous sa légèreté. Je savais qu’au contact des arbres, des bêtes et du jardin, ils allaient oublier leurs peines et s’offrir un nouveau destin. Quand ils ont fait cette découverte dans les taillis et qu’ils se sont mis à remuer le passé, je me suis demandé jusqu’où tout ça allait les mener. Eh bien, vous allez être sacrément surpris… » Jean

Mon avis. Un régal…

Je me suis rendu compte en commençant la lecture qu’Un abri de fortune est en quelque sorte la suite de La toute petite reine, que j’avais apprécié, mais j’ai aimé davantage encore ce récit.

L’abri de fortune, c’est la maison suffisamment retapée maintenant par Capucine et Adrien pour y accueillir des « cabossés de la vie » désireux (d’essayer) de « reprendre pied ». Gîte et couvert leur sont proposés moyennant participation aux travaux de réfection à poursuivre, entretien du potager, animaux…

« Capucine et Adrien finalisent enfin le projet fou de restaurer cette ruine pour en faire une bulle au milieu du chaos. Leur chaos à eux, qu’ils sont venus ranger ici, entre les fleurs et les nuages. Et maintenant celui des autres. Mais quel que soit le tas de peurs, de peines, de souffrances, la façon de ranger est sensiblement la même. Déblayer, trier, bâtir avec ce qu’on trouve dans les gravats. Sublimer pour rendre beau ce qui a été terrible. Reconstruire des âmes brisées, comme celle de Capucine il y a quelques années. Comme celle d’Adrien. Ils se sont posé la question tout au long des travaux. Prenons-nous les bonnes décisions ? Saurons-nous accueillir, guider, ou au contraire suffira-t-il de laisser faire ? Et à chaque fois la même réponse : à part tenter, comment savoir ? » [p. 27]

Rémy est un des « pensionnaires », il est sorti de prison et redécouvre une nature et un air de liberté dont il a été trop longtemps privé.

« Même si cela ne devait durer qu’un seul jour, personne ne pourra lui reprendre ce qu’il ressent à cet instant précis. Le goût précieux de l’air qu’il respire, l’affection de ce chien qui cherche les caresses, et l’horizon à perte de vue. Celui de la prison était à perte de vie. » [p. 65]

Clémence, quant à elle, est une frêle jeune fille effarouchée qui s’excuserait presque de respirer et arrive difficilement à nourrir ce corps qui lui rappelle qu’elle existe.

« – Tu n’as pas des envies particulières dans la vie ?

– Disparaître. » [p. 33]

« Clémence ne se raidit qu’en présence des insectes. Elle a peur de tout ce qui pique. De tout ce qui bourdonne. De tout ce qui est imprévisible et peut agresser sans raison. » [p. 140]

Enfin Karine, la quarantaine pulpeuse, aussi fragile à l’intérieur qu’énergique à l’extérieur. Les apparences sont parfois (très) trompeuses…

« C’est drôle ces gens à qui on n’a pas besoin de poser des questions et qui se racontent comme si on avait ouvert une porte et une fenêtre pour faire courant d’air. […]

La dame est un peu exubérante. Pas méchante. Ni idiote. Elle a juste envie qu’on s’intéresse à elle. » [p. 88 – 89]

Le « je » du récit, c’est Jean, le vieux bonhomme qui observe de loin, assis sur « son » banc, tout en discrétion et en écoute si nécessaire.

« J’aime bien les gens qui savent faire exister le silence. Presque il aurait pu repartir juste après, sans un mot, que ça m’aurait plu aussi. » [p. 136]

En débroussaillant une partie du terrain, Rémy et Karine font une découverte qui va rompre leur « tranquillité ».

« Quand elle revient à sa hauteur, Rémy, en appui sur le manche de sa fourche, regarde le sol.

– J’ai trouvé quelque chose d’étrange.

Au milieu des broussailles, une cavité rectangulaire entourée d’un minuscule muret de pierres joliment alignées. Trois marches s’enfoncent dans la terre. » [p. 122]

L’existence de la maisonnée sera bousculée par cette découverte, entrouvrant des portes insoupçonnées et bousculant le fragile équilibre qui semblait s’être instauré…

J’ai beaucoup aimé chacun des personnages qui tentent de se (re) construire au milieu d’une nature qui façonne et ouvre les esprits ; j’ai apprécié l’évolution de chacun, pas à pas, sans oublier Jean et ses « secrets »…

Un récit à savourer sans nul doute ; une superbe plume…

« Elle regarde les deux coques ouvertes et les miettes sur la surface en bois. Des larmes coulent. Clémence pleure le combat de titans qui se joue en ce moment entre la toute petite fille et la plus grande. Entre le vent coléreux des souvenirs et l’envie de se sentir légère. Son estomac douloureux d’être sollicité tente de se venger, mais Clémence se sent emplie de boutons d’or, d’iris et de papillons, pleine d’un petit morceau de la vie d’ici, qui paraît simple et si paisible. Elle n’a pas seulement savouré un œuf frais, elle a aussi mangé un peu de la gentillesse qui flotte au-dessus de ce lieu, de la fantaisie qui pousse un peu partout, des nuages calmes qui passent sans se poser de questions et de l’insouciance des poules de M. Seguin qui se fichent des buses tournoyant plus haut dans le ciel. Peu importe le risque, du moment qu’elles ont l’ivresse de l’herbe fraîche.

Comme elles, Clémence aimerait oser vivre malgré les rapaces. » [p. 132]

Un grand merci aux éditions J’ai Lu pour cette lecture « ressourçante ».

Omerta, R. J. Ellory

Présentation. Écrivain à la dérive, John Harper vient d’apprendre une nouvelle qui le bouleverse : son père, qu’il n’a jamais connu et croyait mort depuis longtemps, est bel et bien en vie. Il se trouve dans un hôpital de Manhattan où l’on vient de le transporter, à la suite de graves blessures par balles. John n’est cependant pas au bout de ses surprises : son père n’est pas n’importe qui, puisqu’il s’agit de Lenny Bernstein, l’un des pontes de la mafia new-yorkaise. […]

Mon avis. Le premier roman d’Ellory qui m’a donné du fil à retordre…

Ellory est un auteur que j’apprécie beaucoup depuis que je l’ai découvert avec Seul le silence ; commencer un roman d’Ellory, c’est être certaine de passer un excellent moment. Et pourtant, j’ai eu du mal avec celui-ci, à tel point qu’il m’a fallu bien davantage de temps pour le terminer que les précédents.

Je n’accrochais pas du tout avec John Harper, ce journaliste à Miami qui « subit » sa vie. J’ai effectivement toujours eu beaucoup de mal avec les personnes qui ne se « bougent » pas, qu’elles soient réelles ou fictionnelles – un souvenir horrible de Frédéric Moreau – : envie de les secouer ! Harper est de ceux-là. Il vivote, lui qui a publié un roman, en espérant que resurgisse l’inspiration.

« Et John approuvait en souriant, avant de passer vingt-cinq minutes à pondre sa trentaine de lignes réchauffées destinées à servir de mortier entre les briques, à remplir les vides entre un article digne de ce nom et le suivant, […]

John Harper était un homme sans but précis dans la vie, et il savait pertinemment qu’un homme sans but dans la vie était voué à l’échec quelque direction qu’il prenne.

Ce qu’il pensait vouloir à tout prix, c’étaient le souffle de l’alizé et le thon noir, le raisinier et l’anacardier, les huit cents îlets de calcaire et l’odeur qui hantait les espaces entre eux. Mais la vérité était peut-être différente. Ce dont il avait besoin, c’était d’un stimulant qui le sortirait de son apathie, d’une force comparable à celle qui l’avait poussé à écrire son premier roman. » [p. 22 – 23]

Sa routine est bousculée lorsque sa tante lui demande de revenir à New York et lui apprend que le père qu’il croyait mort est bel et bien vivant. À moitié vivant en réalité puisqu’il s’est pris une balle en voulant défendre le propriétaire d’une supérette lors d’un braquage.

Harper se laisse prendre en charge par Walt Freiberg, un ami de son père dont il a un vague souvenir.

« Harper se sentit redevenir le petit garçon de neuf ou dix ans, debout à la fenêtre en saillie de la maison de Carmine Street, regardant Walt descendre d’un taxi jaune avec dans les bras des fleurs pour Evelyn et des cadeaux d’anniversaire pour lui. » [p. 58]

Freiberg est toujours accompagné d’une jolie femme, Cathy Hollander, qui s’avère être « à son service » le temps de son séjour à New York. En outre, Harper ne doit s’embarrasser d’aucun souci financier, « l’oncle Walt » prendra tous les frais en charge.

À ce petit monde s’ajoute Frank Duchaunak, un policier obsédé par Lenny Bernstein, le père de Harper, et Marylin Monroe.

« Je voudrais que tu partes, dit-elle calmement. Que tu retournes tout de suite à Miami. » [p. 91]

« Je continue à penser que vous devriez rentrer à Miami, dit le policier.

– Je sais, vous me l’avez déjà dit. Vous, et Evelyn aussi  » [p. 105]

Ce qui m’agaçait, c’est que John Harper « refuse » d’interpréter les signes d’alerte – aussi nombreux que des boules sur un sapin de Noël – désignant l’appartenance de son père au monde de la pègre new-yorkaise. Il se laisse la plupart du temps ballotter au gré de la volonté de Walt et consorts. Il a juste envie de « rester un peu » avant de retrouver sa triste routine miaméenne (j’avoue, j’ai dû faire une recherche pour trouver l’adjectif relatif à Miami 😁).

« Ce que je sais, en revanche, c’est que Walt a eu une vie passablement mouvementée, et que, s’agissant de la disparition de proches, il a beaucoup donné en la matière. C’est même devenu pour lui une sorte de seconde occupation.

– Je ne comprends pas, dit Harper.

– Et ce ne sera pas pour cette fois…, dit Cathy avec un sourire, car voici notre homme. » [p. 121]

Parallèlement, le lecteur suit les agissements obsessifs (!) de Duchaunak et ceux, extrêmement dangereux (!) de Ben Marcus, le leader du gang ennemi de Bernstein.

« Retrouve-moi le frère et la sœur, et vois s’ils ont une idée de l’endroit où s’est réfugié notre type. Il faut absolument me le retrouver, Ray. Et me le descendre dans les vingt-quatre heures, compris ? » [p. 153 – 154]

« Thomas, c’est bien son nom ? Il faut qu’on retrouve Thomas… et si vous coopérez, tout se passera bien. Sinon… eh bien… sinon, on va devoir vous tuer. »

Les yeux de McCaffrey s’agrandirent encore davantage. L’espace d’une seconde, il se demanda s’il ne s’agissait pas d’une farce macabre.

Puis Ray Dietz lui expédia son poing dans la poitrine, et il sut que l’heure n’était pas à la plaisanterie. » [p. 224]

Les choses s’accélèrent ensuite à tous points de vue, à tel point qu’il devient difficile de poser le livre. Quant à Harper, il devient enfin acteur de sa propre vie.

Le dernier tiers du livre est un régal, si je puis m’exprimer ainsi étant donné « ce qui se prépare » – un bijou de narration – et que l’on n’a pas affaire à des enfants de cœur…

Qu’importe la couleur du ciel, Valérie Cohen

Présentation. Et si les arbres généalogiques comportaient une case pour les amis de toujours, les amours défuntes, les maîtres à penser, les sauveurs ? À quoi ressemblerait le vôtre ?

N’ayant pu donner la vie, Sybille, indéniablement, y placerait sa famille de cœur. Elle cultive avec sa meilleure amie Gisèle une complicité depuis plus de cinquante ans, et c’est dans sa maison ardennaise qu’elle se réjouit de fêter son anniversaire auprès de ses proches. C’était compter sans les révélations de Mila, la petite-fille de Gisèle. […]

Mon avis. Sentiments divers…

Il m’a fallu très longtemps avant d’accrocher au récit – contrairement à la majorité des lecteurs visiblement – et je pense que c’est principalement à cause de la quatrième de couverture qui, selon moi, en dévoile trop ; c’est pourquoi je me suis permis d’en écourter la présentation. En effet, « l’événement » qui y est cité arrive très loin dans le récit – plus de cent pages -, il faut en outre attendre encore longtemps avant qu’il prenne sa pleine mesure. Or j’attendais plus ou moins (in)consciemment cet « événement » pour que démarre véritablement le roman.

Le roman alterne passé et présent et se centre sur différents personnages ; certains d’entre eux entretiennent des relations suivies, d’autres n’ont en apparence aucun lien avec les premiers. En apparence seulement puisque le récit se fait l’écho des ramifications qui se tissent, lentement mais sûrement, chaque élément trouvant progressivement sa place dans cette immense toile, même s’il faut attendre la fin pour que tout s’éclaire pleinement.

Le lecteur embarque tour à tour pour Bruxelles, La-Roche-en-Ardenne, l’Oise, Londres… sur les traces de Sybille, Gisèle, Mila, Noémie, Émile, Barbara…, autant de pièces d’un puzzle qui s’ignore.

Assez curieusement, je suis restée à distance de certains personnages qui m’ont laissée indifférente ; en revanche, deux m’ont particulièrement touchée : Sybille et Barbara, fortes et fragiles à la fois – à l’instar des autres personnages d’ailleurs, tout en nuances -. Sublimes figures féminines en souffrance intérieure…

« Des émotions contenues, des pensées cadenassées. Comme souvent, sa joie est fracturée, fragmentée par des réminiscences d’hier. Elles s’infiltrent dans les interstices de son bonheur. Sa gorge se noue et un froid familier la traverse. Tout en ne quittant pas des yeux la femme endormie, Sybille accueille avec philosophie cette partie d’elle-même dont elle n’arrive pas à se défaire. Elle a beau colmater les plaies, son histoire la rattrape souvent. Elle a appris à vivre avec ce que l’existence lui a donné, mais aussi et surtout avec ce qu’elle lui a repris. » [p. 17]

« Simuler était un art parfois inconfortable. Se sentir illégitime et faire illusion l’étaient plus encore. […]

Un éternel sourire pour une promenade en solitaire dans l’existence. Feindre encore plutôt qu’avouer que jeune fille, ses ambitions étaient bien plus vastes qu’un poste d’adjointe administrative dans une clinique du Brabant wallon au parc centenaire. Ses rêves étaient trop larges pour sa fine carrure. […] Des illusions en bandoulière. Elle avançait légère dans l’existence en égrainant les succès et les félicitations des professeurs. Elle grandissait sous l’œil affectueux et peu complaisant de sa mère. Devant elle, une vie à oser s’offrait.

Pourtant, cette image de carte postale s’était érodée au fil des ans. À tel point qu’aujourd’hui, il lui serait difficile d’y apposer un timbre-poste. À tel point qu’elle a du mal à supporter le regard aimant et déçu de Gisèle posé sur elle. Sans qu’elle comprenne comment, elle a enchaîné les défaites et les déconvenues. Des jours tristes et grisâtres. Des échecs. Sa vie se résume à une série d’insupportables frôlements. Un parcours inachevé. » [p. 97 – 98 – Barbara]

Une enveloppe venue de Suisse va faire voler en éclats la vie de chacun, lui permettant par la même de trouver sa place véritable sur l’échiquier de la vie. Peut-être.

Une très belle plume que celle de Valérie Cohen.

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce SP.

Le quatuor des Smythe-Smith, 2 : Sortilège d’une nuit d’été, Julia Quinn

Présentation. Contraint à l’exil après un scandale, Daniel Smythe-Smith rentre enfin en Angleterre, le jour même où a lieu le traditionnel concert familial, cette épouvantable cacophonie infligée chaque année aux oreilles délicates de la bonne société !

Parmi le quatuor de musiciennes, Daniel remarque une inconnue dont la beauté l’éblouit. Anne Wynter est la gouvernante de ses cousines et leur différence de classe lui interdit de lui faire la cour. […]

Mon avis. De nouveau un bon moment…

J’ai lu dernièrement que les avis relatifs à ce deuxième opus des (més)aventures de la famille Smythe-Smith sont généralement moins positifs que ceux du premier. Il n’en va pas de même me concernant. S’il est vrai que les personnages sont effectivement bien plus attachants dans le premier tome, je trouve que le propos de celui-ci se démarque par son originalité : le lecteur sait, « comme d’habitude », que l’histoire se terminera bien pour le couple phare, mais ici, les difficultés rencontrées sont tout autres que la seule différence de classes sociales.

Anne Wynter est un nom d’emprunt et nul ne connaît son passé. Si la famille Smythe-Smith l’apprenait, la jeune femme perdrait son poste de gouvernante, un poste qu’elle affectionne particulièrement et qui lui convient, en témoignent les relations nouées avec les trois filles dont elle s’occupe.

Daniel est d’emblée sous le charme d’Anne et même si elle (tente de) s’en défend(re), la réciprocité est vraie.

« Elle le regarda et fut alors en proie à la plus étonnante, la plus intense des envies : celle de poser la main sur la sienne, d’établir un contact entre eux. Un lien.

Elle n’en fit rien. Elle n’en avait pas le droit, elle le savait. Lui, en revanche, l’ignorait. » [p. 454]

Comme dans chacun des récits de Julia Quinn lus jusqu’à présent, les difficultés d’être femme, intelligente de surcroît, sont dénoncées.

« Mais il était comte de Winstead. Les hommes de son rang faisaient ce que bon leur semblait. Surtout lorsqu’il s’agissait des femmes. »  [p. 397]

Une agréable lecture.

« Pourtant, tandis qu’ils s’installaient à la table de l’auberge, ce ne fut pas la beauté d’Anne qui le frappa. Ce fut la certitude qu’elle avait un cœur généreux et une belle âme. Il éprouva alors le sentiment angoissant que sa vie ne serait plus jamais la même. » [p. 521]

Traduction (anglais USA) : Léonie Speer.

Titre VO : A night like this (2012).

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce SP.

Un œil dans la nuit, Bernard Minier

Présentation. Dans les montagnes, retiré du monde, un réalisateur de films d’horreur, Morbus Delacroix.
Culte, misanthrope, fou.
Parmi ses fans, une étudiante en cinéma.
Fascinée, intrépide, inconsciente.
À Toulouse, un as des effets spéciaux est retrouvé mort, ligoté sur un lit d’hôpital.
Et si ce meurtre trouvait sa source dans un film maudit ?
Pour le commandant Martin Servaz, peut-être la plus grande énigme de sa carrière…

Mon avis. Lenteur. Accélération. Coup au cœur…

C’est toujours avec plaisir que je retrouve Servaz et son équipe – même si je m’étais un peu « fâchée » lors de la lecture de La Vallée – et ce moment n’a pas dérogé à la règle.

Un Servaz qui semble davantage encore « fatigué de tout », dont les trop rares moments passés avec son fils sont très conflictuels depuis que Léa est partie pour l’Afrique.

« Il se dit une fois encore que, s’il voulait profiter de son fils, c’était maintenant. Il savait que plus Gustav allait grandir, moins il aurait envie de passer du temps avec son père. Il connaissait la solution : lâcher la Crim, se trouver un boulot pépère au sein de la police avec des horaires bien bornés et des week-ends à soi, envoyer promener tout le reste.

Et il souhaitait aussi consacrer plus de temps à Léa si jamais elle rentrait d’Afrique…

Léa… Un pincement au cœur… » [p. 23]

Lenteur parce que l’enquête relative à l’assassinat d’un spécialiste des effets spéciaux cinématographiques s’étire et part dans diverses directions. Toutes cependant semblent mener à Morbus Delacroix, un réalisateur de films d’horreur à la réputation sulfureuse, aujourd’hui retiré au fond des Pyrénées.

Le chapitre Delacroix est proposé au lecteur par l’intermédiaire de Judith, une étudiante en cinéma que l’ancien réalisateur a consenti a recevoir dans son antre mystérieuse.

« Tout le monde rêvait de l’interviewer, douze ans après que son dernier film eut défrayé la chronique et fait scandale – et qu’il se fut définitivement retiré de la sphère publique, vivant officiellement en ermite au cœur des montagnes. Fuyait les objectifs des photographes. Avait rejeté l’offre mirobolante d’une plate-forme de vidéo à la demande pour tourner une série horrifique.

Et c’est à toi, Judith Tallandier, jeune étudiante en esthétique du cinéma, qu’il a accepté de parler… Pourquoi ? » [p. 44 – 45]

La tension est extrêmement palpable et si j’attendais de savoir quand et à quelle sauce la jeune femme allait être mangée, j’avoue n’avoir pas ressenti d’empathie à son égard. L’équipe de Servaz, quant à elle, recherche des pistes susceptibles de l’aider à faire la lumière sur le meurtre. Parallèlement, de temps à autre, l’on suit le père Daniel Eyenga – c’est d’ailleurs lui qui ouvre le récit – qui s’est retrouvé, bien malgré lui, au cœur de cette « affaire ».

« Eyenga hésita. Il avait la bouche sèche. C’était un curé moderne, féru de nouvelles technologies, de science. Pourtant une pensée irrationnelle venait de s’insinuer en lui. Celle qu’une forme de malveillance était à l’œuvre ici. Dans cette chambre. » [p. 15]

« L’enthousiasme qu’elle avait ressenti en arrivant s’était envolé, faisant place à une sourde inquiétude. » [p. 53]

Accélération car l’enquête se débloque d’un coup et Martin se retrouve sur plusieurs fronts à la fois, même si les pièces du puzzle peinent encore à s’imbriquer. Découverte aussi d’un personnage bien sympathique, un policier parisien du nom de Pierrat.

« Servaz avait beau savoir que ces photos sortaient d’un film, il perçut comme une atmosphère vénéneuse au-delà de l’image : tout à coup la frontière entre le réel et la fiction s’abolissait. » [p. 223]

Coup au cœur. Uppercut. Émotion. De l’eau dans les yeux – ça ne s’arrange pas avec l’âge, au contraire -. Vite le début du chapitre suivant, parce que non, quand même, cela ne se peut… Il faut oser. Du grand art, Monsieur Minier.

Une fin qui appelle la suite… et ouvre la porte des spéculations entre lecteurs [clin d’œil à mon kiné].

Terra nullius, Victor Guilbert

Présentation. Hugo Boloren a perdu la bille. Celle qui l’accompagne dans ses enquêtes et qui fait « ding » pour le mettre sur la bonne piste. Neurasthénique, il erre dans le commissariat, au grand dam de Lulu la stagiaire. Il est temps de changer d’air.
Justement, alors qu’il s’apprête à emmener sa mère à un rendez-vous médical chez un spécialiste lillois, Hugo apprend qu’un garçon de dix ans s’est fait agresser dans une immense décharge publique à la frontière franco-belge jouxtant la Terra nullius, un camp de laissés-pour-compte. Son instinct lui dicte d’aller jeter un œil à ce territoire sans maître, mais il est loin de se douter que l’attend là-bas l’affaire criminelle la plus sordide de sa carrière.

Mon avis. Un personnage très original au cœur d’une étrange enquête…

Je découvre et l’auteur et le personnage avec ce deuxième roman qui nous entraîne pas très loin de chez nous, en l’occurrence la frontière franco-belge, dans la région de Lille.

« Le journaliste évoque une émeute près de la frontière belge dans ce que certains appellent ironiquement, dans la région, Terra nullius. De sa voix neutre, il explique que cette locution latine désigne une zone de territoire qui n’appartient à aucun État. Dans les faits, cette terre indésirable composée d’une gigantesque décharge accolée à un bidonville serait plutôt en France, même si la Belgique en aurait discrètement déplacé les limites au fils des ans. » [p. 28]

Hugo Boloren doit justement se rendre à Lille avec sa mère, pour une consultation relative à la maladie d’Alzheimer de celle-ci. Il en profitera, avec la bénédiction de son supérieur, le commissaire Grosset, pour donner un coup de main à la PJ de Lille dans le cadre d’une agression violente sur un enfant dans la décharge qui jouxte le bidonville.

Boloren a un comportement pour le moins singulier : il est entre autres incapable de taire sa pensée même s’il se doute qu’elle risque d’indisposer les autres, il a perdu « sa bille », cette espèce d’intuition qui le guide au cours de ses investigations. Il est perçu comme un « original » qui prête à sourire autant qu’il inquiète à certains moments.

 » – Je me suis pris un coup d’hyper réalité sur le crâne. Il y a eu Antoine Dupuis trois fois témoin et Jimcaale l’assommé alors qu’il avait une marmite cloutée sur la tête. Mon attention a été aspirée par ces deux éléments. On dirait que mon instinct me souffle que c’est important. C’est peut-être une chance unique de redevenir moi-même, commissaire.

– Demain, vous partez à Lille, Hugo. Vous verrez tout ça en rentrant.

– Vous connaissez le commissaire de la PJ de Lille ?

– Qu’est-ce que vous mijotez, Boloren ?

Quand j’emmène ma mère se faire soigner, je suis Hugo et quand je mijote, c’est Boloren. J’ai envie de le lui faire remarquer mais je ne suis pas en train de le mettre d’humeur. La finale de Toque toc se poursuit sans lui à cause de moi. » [p. 31]

« Grosset me regarde pour vérifier. Mon visage incapable de mentir confirme que je n’en sais pas plus que lui sur cette affaire. Il parvient tout de même à percevoir que je n’ai rien contre y mettre mon nez. Je suis un livre ouvert et Grosset un lecteur habitué. » [p. 37]

Une enquête au centre de laquelle se trouvent la décharge ainsi que le bidonville et leurs innombrables chausse-trappes, couplées aux observateurs invisibles, pour certains migrants ayant déposé là leurs « bagages », en désespoir de cause. Une atmosphère lourde, une chaleur accablante.

 » – C’est la chaleur qui fait grincer la décharge. Les amas d’objets se rétractent sous l’effet du soleil, parfois des empilements fragiles s’effondrent. En hiver, le gel produit des claquements, en été la canicule fait grincer.

Raphaël frissonne. La lamentation de la décharge donne une impression singulière de champ de bataille infernal. Il imagine aisément qu’on puisse croire qu’une âme torturée erre parmi les monts de ferrailles d’où émane cette mélopée sans paroles et pourtant parfaitement sinistre. » [p. 55]

Indépendamment des investigations, j’ai beaucoup apprécié le personnage principal et sa singularité qui se marque également à travers ses réflexions. Un air de Colin dans L’écume des jours – titre cité d’ailleurs dans le récit -.

« Le jeune inspecteur sous-entend la dépression sans la nommer, cette fois. Ce qui me fait prendre conscience que je prononce rarement le mot « Alzheimer » en évoquant ma mère. La pudeur linguistique, c’est le déni de la pensée. » [p. 111]

« Elle hésite à me croire mais comme toute personne incapable de mentir, je suis criant de sincérité. C’est rarement un atout parce qu’on vit dans un monde où le mensonge accommodant est plus accepté que la vérité désagréable, mais devant Clémentine qui m’aide à réintégrer la civilisation, je suis content d’être plausible. » [p. 126]

« Et juste avant de sombrer dans le sommeil, je devine ma bille qui roule dans ma direction. Elle s’approche, sa vérité va retentir bientôt et je n’en ressens aucun soulagement. Un mauvais pressentiment la rend menaçante, la promesse d’heures à venir difficiles. Côme l’a vu avant moi : quand la bille fera « ding », autour, mon monde fera « boum ». » [p. 212]

Merci aux éditions J’ai Lu pour cette découverte insolite…

La toute petite reine, Agnès Ledig

Présentation. Un matin, Adrien, maître-chien, est appelé pour un colis suspect en gare de Strasbourg. Bloom, son chien hyper-sensible, est le premier à sentir que les larmes de Capucine, venue récupérer sa valise oubliée, cachent en réalité une bombe prête à exploser dans son cœur. Hasard ou coup de pouce du destin, Adrien retrouve Capucine quelques jours plus tard dans la salle d’attente d’un couple de psychiatres. Dès lors, il n’aura de cesse de découvrir l’histoire que porte en elle la jeune femme.

Dénouant les fils de leur existence, cette rencontre pourrait bien prendre une tournure inattendue et leur permettre de faire la paix avec leur passé afin d’imaginer à nouveau l’avenir.

Mon avis. Un moment agréable…

Rencontre « fortuite » entre Adrien et Capucine en gare de Strasbourg alors que la jeune femme a oublié sa valise sur le quai et que le maitre-chien a été appelé à la rescousse à cause de ce « colis suspect ».

Chacun a connu son lot de souffrances et c’est dans la salle d’attente de leurs psychiatres respectifs, mari et femme, qu’ils se reverront « par hasard », alors qu’Adrien n’a cessé de penser à cette femme en pleurs sur le quai de la gare de Strasbourg…

« Je garde surtout en mémoire la puissance qui se dégageait de cette petite silhouette prostrée sur un banc. Une force inaltérable qui m’attirait comme un papillon de nuit. » [p. 21]

Adrien traîne derrière lui le cauchemar d’affrontements au Mali ; quant à Capucine, elle a dû abandonner ses rêves de médecine lorsqu’elle a décidé de s’occuper de sa jeune sœur suite au décès prématuré de leurs parents. Aujourd’hui, Adélie veut voler de ses propres ailes et Capucine se retrouve désœuvrée…

« Tu sais, c’est lourd à porter quand quelqu’un se sacrifie pour toi. J’ai l’impression que mon existence même a gâché sa vie. J’ai le droit de respirer, de vibrer, d’accomplir des choses importantes. Et j’aimerais qu’elle en prenne conscience. » [p. 77]

Le roman se poursuit en se centrant tantôt sur Adrien – et son chien, Bloom -, tantôt sur Capucine, tantôt sur ceux qui gravitent – de près ou de loin – autour d’eux : Adélie, leur oncle qui veille discrètement sur elles, le couple de psychiatres, ou encore un vieux monsieur qui s’en vient rêver à Madeleine, morte depuis longtemps, sur un banc face à une bâtisse en ruine, à l’orée de la forêt…

Ces deux-là sont faits l’un pour l’autre, Adrien le pressent, mais Capucine, pas encore, elle n’est pas prête à se laisser apprivoiser…

« À combien de gouffres peut-on survivre ? » [p. 110]

Parallèlement, Adrien essaie d’en savoir plus sur l’accident qui a coûté la vie aux parents des jeunes femmes car des zones d’ombre subsistent, tandis que Capucine se plonge dans le cahier de son père.

« Je reste interdit quelques instants après qu’il a raccroché avec fracas.

J’en suis persuadé, j’ai mis le doigt dans un engrenage que je me dois de démonter jusqu’à la dernière pièce. » [p. 155]

« Ma main cherche ses doigts toujours glacés pour les serrer, lui dire que moi aussi, je suis fier. À ce stade d’une rencontre classique, je n’aurais jamais osé. Avec elle, c’est différent. Tout est simple, naturel, évident. » [p. 238]

Même s’il souffre parfois quelques longueurs – ce n’est que mon avis -, j’ai beaucoup apprécié ce récit, bien agréable à lire.

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce SP.

Ce qu’il nous reste, Erik J. Brown

Présentation. Jamie vit reclus dans le chalet qu’il a un jour partagé avec sa mère. Depuis que la quasi totalité de l’humanité a été rasée de la surface du globe par un virus, il l’a bien compris : la solitude est sa seule chance de survie. Mais lorsque Andrew débarque sur son perron, blessé, misérable et visiblement suicidaire, une autre vérité fait  surface : il est incapable d’appuyer sur la détente.


Pourquoi lui fait-il si spontanément confiance ? Lorsque le danger les force à prendre la route, Jamie se méfie avant tout des survivants désespérés – et de leurs fusils. Mais petit à petit, sa suspicion change de camp. Les incohérences dans le récit du passé d’Andrew se multiplient. Jamie a-t-il bien fait de renoncer à son isolement ? Quel secret cache Andrew ? Doit-il se fier à son instinct ou à ses sentiments ?


Mon avis. Un réel plaisir…

Plongée dans un futur dévasté par une pandémie, pire encore que le covid, et qui a anéanti une bonne partie de l’humanité.

Nous découvrons la rencontre entre Andrew, blessé, et Jamison. Jamison (sur)vit seul dans sa maison depuis que sa mère a été emportée par la maladie. De temps en temps, il sort, à la recherche de provisions dans des lieux en théorie désertés. Le danger, ce sont les autres survivants, comme dans The Walking Dead, où les zombies finissent presque par devenir secondaires.

« Je me souviens avoir passé près de 3 heures à hurler et à pleurer alors que j’essayais de comprendre comment ouvrir le piège. » [p. 10]

Andrew ose demander de l’aide à Jamison qui va pouvoir le soigner grâce aux notes que lui a laissées sa mère médecin. Chacun se méfie de l’autre mais le séjour d’Andrew finit par se prolonger.

« Huit conserves de maïs. Je barre le neuf sur la feuille et inscris le nouveau chiffre à sa droite. Il me reste peut-être encore deux semaines avant de manquer de place et de devoir reprendre sur une page vierge. Et sur celle-là, il n’y aura plus que mon écriture, sans celle de ma mère. » [p. 13]

Le récit se poursuit en alternant les voix des adolescents. Après quelques rounds d’observation, la cohabitation s’organise, même si Andrew sait qu’il ne pourra s’éterniser pour d’obscures raisons…

« Mais je sens déjà un vide se creuser au fond de moi, et je sais qu’il se changera en puits sans fond lorsque je devrai dire au revoir à Jamie. » [p. 55]

« Il me lâche, mais ma peau reste enflammée par son toucher. Lorsque je plonge mes yeux dans les siens, je le trouve effectivement fatigué, et c’est à présent moi qui m’inquiète pour lui. Et pour ce qui se passera si je m’en vais.

Il se lève et dépose nos assiettes dans l’évier, puis tend une main pour m’aider à me lever. Je la lui prends.

Et je m’inquiète pour ce qui se passera si je reste. » [p. 96]

Contraints de quitter leur refuge, ils feront la rencontre de survivants, certains très « bien » organisés, mais comment savoir ce qu’il se cache sous les apparences.

« Jamie sourit, l’air sincèrement heureux. Pendant un instant, je ne discerne pas dans ses yeux l’hésitation que j’y ai si souvent remarquée. Puis son sourire retombe légèrement. Personne d’autre ne s’en serait aperçu. Mais moi, oui. Je connais son visage mieux que personne et je sais ce qu’il exprime, à présent. Il appréhende. Tout dans ce projet le rend nerveux. Incertain.

Il se pourrait que moi aussi. »[p. 237]

Une réflexion sur les relations humaines et leur complexité que j’ai beaucoup appréciée…

Traduction : Elric Rozet.

Titre VO : All that’s left in the world (2022).

Merci aux éditions ActuSF pour ce partenariat.