L’idée m’avait déjà traversé l’esprit d’écrire « ma SEP » en 26 lettres. Je ne sais pas si je m’y tiendrai, ni à quel rythme, mais je commence forcément par la lettre « A », judicieusement première lettre du mot « arrivée ».
Arrivée. La SEP est arrivée dans ma vie en novembre 1983… même s’il a fallu attendre longtemps avant de mettre un nom sur cette « arrivée impromptue ». Je me souviens très bien du premier phénomène qui a été le début de multiples examens médicaux. J’étais alors en première candidature à l’UCL en philologie romane.
Un jour, en allant aux toilettes, je me rends compte que le contact de la planche sur mes fesses me semble « cotonneux », ma sensibilité est différente. Comme cette sensation perdure, je me suis dit que j’irais bien faire un tour au centre médical de la faculté. Prise de sang qui ne révèle rien de particulier. Je décide alors d’en parler à mes parents et redirection le médecin de famille. Commencent alors des examens médicaux assez particuliers : des potentiels évoqués visuels, auditifs et des examens au cours desquels on fait passer du courant à travers des aiguilles piquées çà et là, le long du corps. Tout est toujours normal.
Deuxième épisode : je rentre d’un cours, je porte une mallette et soudain, ma main s’ouvre progressivement, je suis en train de la laisser tomber. Sensation de faiblesse de mon bras droit.
Troisième épisode : je suis sur une foire aux artisans (celle de Bougnies), il fait très chaud et un orage aussi subit que violent éclate ; je dois courir pour atteindre un abri et lorsque j’y arrive, mes jambes flageolent, je me sens toute faible.
Continuent entretemps les examens qui ne révèlent toujours rien. Je me souviens d’ailleurs, à cette occasion, d’un imbécile d’assistant universitaire à l’ex-UMH se moquant de moi en disant que mes troubles sont psychologiques. Je crois que je l’ai haï car même si mes symptômes étaient finalement peu perceptibles, je savais pertinemment que je ne « rêvais » pas (je devrais dire « cauchemardais pas »).
Sur les conseils du médecin traitant, nous allons voir un neurologue bruxellois qui, pour écarter toute susceptibilité de SEP, décide de me faire faire une ponction lombaire. Pour ma part, je dois bien dire que je ne me tracassais nullement, d’autant que je vivais alors tout à fait normalement et étais en train de terminer ma première candi. Les résultats arrivent et l’on me dit qu’il n’y a rien de particulier, que je dois prendre des vitamines à doses importantes. Ok, pas de problème pour moi…
Ce que je ne sais pas, c’est que la ponction lombaire n’est pas normale et qu’elle révèle une « grande possibilité » de SEP. Les résonances n’existent pas encore à l’époque et il faudra attendre une dizaine d’années avant de certifier ce diagnostic. Or donc, le neurologue estime qu’il vaut mieux que je ne sois pas au courant, que je termine mes études et que je mène une vie la plus normale possible puisque, de toute façon, on ne peut rien me proposer comme traitement. Mes parents suivent donc son conseil alors que moi, je ne me doute (ou ne veux me douter ?) absolument de rien. Je suis quelqu’un qui se tracasse, consciemment en tout cas, très peu pour tout ce qui concerne la santé ; nulle raison de croire qu’il puisse y avoir des problèmes particuliers… Rien non plus dans le comportement de mes parents ne laisse transparaître quoi que ce soit et je vis quelques années dans cette ignorance. La maladie, quant à elle, n’évolue pas encore. C’est incidemment que j’ai appris qu’il était véritablement question de sclérose en plaques : je discutais avec une amie de mes parents et me souviens que j’étais en train de lui dire que le principal était que ce ne soit pas la SEP. Et elle, de réagir en disant : « mais c’est la SEP »…
Je me souviens avoir « intégré » cette information comme si de rien n’était… Je ne voulais pas montrer que je tombais de haut, d’autant que ce n’était pas vraiment le cas. En réalité, je ne connaissais pas la SEP avant que l’on m’en parle et même si je m’étais quelque peu renseignée depuis lors, je n’en avais pas particulièrement peur (pas de Net à l’époque)… En revanche, il m’a fallu décider si j’en voulais à mes parents de ne m’avoir rien dit et j’ai décidé que non. En remettant en place toutes les pièces du puzzle, j’ai compris qu’ils avaient été complètement désorientés, abattus, profondément malheureux de ce qu’il m’arrivait. J’ai vu plus tard la lettre du neurologue leur conseillant de ne pas m’en parler, ils ont cru bien faire. La seule chose qui m’énervait, c’est qu’on m’avait considérée encore comme une « enfant » incapable d’apprendre une telle nouvelle. Pour le reste, je dis toujours, et j’en suis intimement persuadée, que tant que l’on ne se trouve pas directement impliqué dans une situation, il est impossible de savoir comment l’on aurait soi-même réagi…
Bref, j’ai continué à grandir avec l’idée de la SEP, l’idée seulement, durant quelque temps. Dans les années ’90 est apparue l’IRM qui a confirmé le diagnostic. Les choses ont alors commencé à se corser : difficultés progressives à la marche. Ca a toujours été le principal symptôme, accompagné bientôt de troubles urinaires. Toujours pas de poussées franches mais une évolution lancinante. J’ai malgré tout eu deux enfants qui ont maintenant 21 et 19 ans, ce qui n’a évidemment pas physiquement « arrangé les choses » mais je n’aurais jamais pu concevoir ma vie sans enfants.
Bilan en 2010 : la nécessité de me déplacer partout en chaise roulante, sauf – pour le moment mais pour combien de temps encore ?- à la maison où je me tiens à tout pour faire quelques mètres puisque mon équilibre est on ne peut plus précaire… Et contrairement à ce que je pensais quan
d ma santé a commencé à décliner : je travaille toujours !
Et si le déclenchement de la maladie doit correspondre à un stress quelconque, novembre 1983, c’est le moment où je commence sérieusement à songer à mes tout premiers examens universitaires. Coïncidence ?
[Illustration : http://coloriage.gulli.fr/coloriage-Lettre-A%5D
Chère Paikanne,
Je viens de lire l’historique de ta maladie.
A ta place, j’aurais fait comme tes parents: j’aurais tu cette chose « intime » car cela risque d’éveiller des curiosités malsaines.
Je peux peut-être, un peu comprendre certaines choses, étant au crépuscule de ma vie et sujet à plein de problèmes de santé. Chez moi aussi, c’est dégénératif: aucun espoir de retour de mes cinquante ans!
Une différence de taille: J’ai eu une vie enrichissante (mes différents métiers m’ont permis de côtoyer des gens de cultures différentes dans de nombreux pays), et pas par livres interposés.
Amitiés
P.S. Ubiquitus, ce mot te dit-il quelque chose?
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une petite précision quant à ta remarque : j’estime avoir eu aussi, jusqu’à présent – et j’espère que ce n’est pas terminé -, une vie enrichissante même si j’ai peu voyagé, hormis par les livres…
Je viens de trouver la notion d’homo ubiquitus sur le net 🙂
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Chère Paikanne,
Ubiquitus était un bloggeur (ami de UBU) ayant une maladie dégénérative le paralysant progressivement…
Son blog a fini tristement. Je fus le dernier lecteur de son blog, je crois. Le malheur rend parfois amer et les gens n’aiment pas les gens qui ne sont pas joyeux.
Amitiés
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# »Dieu » Google, bataillon google, dieu google!#
Et c’est un prof, Ludovic Gavignet qui le dit!
Dieu dit un jour à un de ses disciples: va voir « au diable » si j’y suis… Et il y était!
Amitiés
(C’est de l’humour!)
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