Présentation. En franchissant les portes d’Auschwitz, Mala comprend que personne ne quitte jamais le camp vivant. Profitant de sa position d’interprète pour grapiller ce qu’elle peut, elle refuse de laisser la mort triompher et tente d’aider ses codétenues. Mais c’est en rencontrant Edward, ancien combattant et prisonnier politique, que son espoir renaît réellement. Selon lui, malgré les barbelés, les projecteurs et les mitraillettes, il y a une issue. Ils se font alors une promesse : ils s’enfuiront ensemble, ou ils mourront ensemble.
L’histoire vraie de Mala Zimetbaum et Edward Galinski est l’une des plus grandes histoires d’amour du XXᵉ siècle.
Mon avis. Un coup au cœur…
Le récit commence par une scène qui se déroule en juillet 44, pas très loin d’Auschwitz, alors que Mala et Eden, qui ont réussi à s’échapper du camp de la mort, croisent une patrouille allemande.
« Parfaitement immobile, Edek suivit son regard et eut le sentiment de tomber dans un obscur abysse à la vue de deux silhouettes en uniforme qui se dirigeaient vers eux avec détermination.
Ils étaient au détour d’un virage, Dieu seul savait pourquoi. Les Allemands ne patrouillaient presque jamais dans cette zone ; les prisonniers de guerre soviétiques qui avaient eux-mêmes organisé plusieurs évasions couronnées de succès l’avaient assuré à Edek et Mala, de même que les civils polonais compatissants qui travaillaient au camp et n’étaient que trop heureux de faire la nique aux nazis en aidant des détenus à s’échapper. » [p. 11 – 12]
Le récit continue alors avec un flashback nous conduisant depuis l’automne 1943 jusqu’à cette scène initiale. On y découvre l’enfer des camps – Auschwitz-Birkenau – et les liens qui se nouent entre Mala Zimetbaum, Juive polonaise exilée à Anvers qui a été déportée, et Edward Galinski, jeune Polonais, prisonnier politique.
Mala parle plusieurs langues, c’est pourquoi elle est « précieuse » – tout est relatif évidemment – pour les Allemands.
« Messagère du camp, Mala était chargée de transmettre les ordres des SS et les documents officiels d’un Block à l’autre lorsqu’elle n’était pas occupée à aider la cheffe de camp, Maria Mandl, avec des tâches bureaucratiques. De par sa position, elle n’avait rien à craindre des surveillantes ou des Kapos. Un brassard officiel avec un insigne de Läuferin autour du biceps gauche, des vêtements de ville et ses cheveux blonds ramenés en chignon la distinguaient instantanément du reste de la population du camp. Et pourtant, le Block de désinfection était celui qui la répugnait le plus. C’était l’endroit où les derniers fragments d’espoir étaient matraqués à mort, où d’anciennes vies étaient abrégées et balayées en même temps que les cheveux tondus, où les noms étaient abolis et remplacés par des numéros à jamais inscrits sur les avant-bras des femmes avec une aiguille de tatouage émoussée. » [p. 21 – 22]
En raison de son « statut », Mala connaît tout du camp et n’a de cesse de venir en aide aux prisonniers dès qu’elle le peut, réussissant tantôt à procurer un peu de nourriture à celui qui en a davantage besoin, tantôt à fournir des médicaments, un vêtement « chaud », échangeant ceci contre cela au fil de ses déplacements. Constamment elle pense aux autres avant de penser à elle, estimant que sa position la rend « chanceuse »… Elle voit tout, entend tout et s’en sert tant que faire se peut…
C’est lors d’un « troc » qu’elle fait la connaissance d’Edek qui tombera vite sous son charme. Ce sera bientôt réciproque.
Le jeune homme est bien décidé à tenter de s’évader car il pressent que c’est la seule manière de garder la vie. Mala fera son possible pour l’y aider.
« Edek espéra qu’il faudrait plusieurs semaines à Mala pour se procurer le dossier, la photo et le maudit Ausweis, car il n’était plus sûr d’encore en vouloir. Plus il s’approchait de la liberté, moins il la désirait. Tout à coup, il comprit pourquoi : sans Mala, la liberté ne signifiait pas grand-chose. » [p. 155]
Indépendamment de la relation entre les jeunes gens, c’est évidemment la « vie » du camp qui est dépeinte. Je n’arriverai jamais à comprendre comment l’être humain est capable de commettre de telles atrocités à l’égard de ses semblables.
Un Nazi « dénote » dans cet enfer : Lubusch, le supérieur d’Edek. Il a d’ailleurs déjà été sanctionné pour son manque de « zèle » dans l’exercice de ses fonctions. Il aidera Edek, quoi qu’il risque de lui en coûter.
» – N’aie pas peur, assura Lubusch, dès qu’ils furent dehors. Tu vas te reposer pendant quelques jours, puis ils te relâcheront. Je leur dirai que tu es l’un de tes meilleurs travailleurs . Ils ne te feront aucun mal ; tu as ma parole.
– Merci, Herr Unterscharführer, chuchota Edek en inspirant avidement l’air glacé. [p. 117]
» – Ils ne laisseront jamais les Soviétiques nous libérer ou libérer les prisonniers de tout autre camp, Herr Unterscharführer, dit délicatement Edek après une pause. Vous le savez. Je le sais. Ils creuseront davantage de fosses, comme ils l’ont fait en 1942, et soit ils nous tueront et nous brûleront tous là comme ils l’ont fait à l’époque, soit ils nous gazeront et nous mettront dans les fours. Dans tous les cas, nous ne sortirons pas d’ici vivants. » [p. 243 – 244]
Deux moments extrêmement poignants – davantage poignants que le reste, devrais-je dire -, c’est l’évacuation du camp des familles, camp dans le camp, espèce de « vitrine » destinée à donner le change aux « représentants de la Croix-Rouge qui se rendaient parfois dans les camps allemands pour effectuer des inspections. […]
– Ils sont en train de planifier l’Aktion de l’extermination, continua Kostek. Vous pouvez me croire. J’ai déjà vu ces choses-là avant. » [p. 298 – 299]
« L’extermination du Camp des Familles était programmée ce jour-là.
Contre toute logique, Edek ne cessait d’espérer qu’un miracle se produirait. […] Les triangles verts étaient déjà en train de descendre des camions pour entrer dans les baraques, dont ils commencèrent à extirper des détenus terrorisés à coups de matraque et de jurons.
– Raus, raus, raus ! Dehors et tout de suite, tas de sacs à merde !
Ils frappaient tout le monde sans distinction ni discrimination, poussant leurs victimes vers les camions avec une efficacité absolument terrifiante. […]
Soudain, une voix de jeune femme retentit au milieu de la terreur, forte et claire, et se mit à entonner l’hymne national polonais avec une détermination héroïque. Abasourdi par la puissance du chant, Edek ouvrit les yeux et reconnut la petite amie du jeune fonctionnaire, l’unique silhouette immobile dans un océan de chaos. D’autres voix ne tardèrent pas à se joindre à la sienne ; les SS tentèrent de les faire taire à coups de matraque et de fouet, en vain. Bientôt, le camp tout entier reprenait les notes de la résistance avec bravade et fierté, refusant de se rendre même à la vue de la mort qui s’approchait, inévitable. […]
Les hommes du Sonderkommando étaient devenus des experts en Zyklon B, à ce stade. Ils savaient exactement dans quelles conditions le gaz était le plus efficace. » [p. 320 – 326]
L’autre moment qui m’a fait verser de chaudes larmes, c’est la fin, lorsque le temps de la narration rattrape le prologue. Terrible.
« C’était le Block 11, le royaume attitré des bouchers de la section politique, construit dans le seul but de torturer les prisonniers pour leur extorquer des informations, de les faire saigner pour leur arracher des aveux, de les briser jusqu’à ce qu’ils dénoncent leurs complices. C’était une prison dans la prison, une structure d’extermination dans la structure d’extermination. » [p. 437]
L’auteure explique en fin d’ouvrage qu’elle a tenté « de rester aussi proche que possible de la réalité historique, ne prenant des libertés artistiques que dans le but d’améliorer l’expérience des lecteur.rice.s. Les circonstances de l’arrivée de Mala et Eden au camp, leur passé, le développement de leur relation, leur fuite, leur capture et leur exécution sont conformes à ce qui s’est réellement passé. » [p. 467] L’histoire relative à Lubusch correspond aussi à la réalité historique.
Vous pourrez faire des recherches concernant les « personnages » en question.
Traduction : Typhaine Ducellier.
Titre VO (anglais, Angleterre) : The Girl Who Escaped From Auschwitz (2021).
Merci aux éditions J’ai Lu pour ce SP.