SEP : J comme joie

Paradoxalement, chaque fois que je m’interrogeais sur le mot commençant par « j » à associer à SEP, c’est le mot « joie » qui me venait spontanément à l’esprit. Et pourtant, je ne me crois pas le moins du monde masochiste.  Pourquoi donc cette association, m’interrogeai-je ?

joie.jpgLa première chose à évoquer, c’est le fait qu’à partir du moment où l’on sait que l’on est limité physiquement et que ces restrictions seront inévitablement toujours de plus en plus importantes, on a tendance, j’ai tendance en tout cas, à me réjouir très vite pour de « petites choses », celles qui restent à ma portée (hauteur oblige !) plutôt que de me désespérer en regard de ce qui m’est à tout jamais inaccessible.  Oui, enfin, ça, c’est dans les bons jours… 

Mais il est vrai que je suis capable de me réjouir pour l’une ou l’autre « insignifiance » : admirer la couleur du ciel lorsque le soleil le teinte de toutes les nuances du rose à l’orangé, arriver au festival du Carré pour le concert d’Été 67 et trouver une place juste en face de l’entrée parce qu’un automobiliste quitte son emplacement, être euphorique parce qu’un auteur – français ou américain – est tombé par hasard sur mon blog et m’a laissé un petit mot, sauter (rouler !) de joie parce que Jean-Luc Fonck a accepté de venir (gracieusement !) dans mes classes… 

Inversement (on dit/écrit bien « inversement », je confirme), si je suis capable de me réjouir parfois à outrance, le contraire est vrai aussi : la semaine dernière, à Imagix Mons, quasi toutes les places de parking réservées aux handicapés étaient occupées… pas par des handicapés (sauf du cerveau, éventuellement – ou de la vue -).  Or il y en a un très grand nombre devant ce complexe cinématographique mais tous ces imbéciles ont de sérieux problèmes de vue puisque 1) l’allée en question est interdite de circulation sauf pour personnes disposant de la carte et 2) les panneaux bleus étaient devenus invisibles pour eux. Mais puisque l’on s’en vient rechercher les adolescents qui ne peuvent en AUCUN CAS faire cinquante mètres à pied, on occupe les emplacements. Mais puisque l’on (les « on » sont ici différents, plus jeunes) s’en vient à la soirée (arrosée ?) spéciale du jeudi et que le parking est bien occupé, mon Dieu, pourquoi ne pas se garer au plus près ? Tout cela pour en arriver à dire que j’en ai eu les larmes aux yeux.  Presque le souffle coupé parce que des places réservées, il y en a beaucoup, beaucoup mais il n’en restait plus qu’une seule libre. Gifle en pleine figure pour les « chaisards » auxquels j’appartiens.  Je me sentais tellement démunie.  Niée en quelque sorte, je crois.

Je reviens maintenant à mon propos après avoir un peu plombé l’ambiance : je sais, ça fait un peu cliché d’évoquer la joie dans ce billet mais il y a pourtant une (infime ? petite ? certaine ? grande ?) part de vérité.  Ne vous méprenez pas, je n’irai pas jusqu’à dire que je « remercie la vie » de m’avoir fait ce « cadeau ». En aucun cas. Comme je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises, jamais, au grand jamais, je n’accepterai cette saleté de maladie.  Je ne peux employer le verbe « accepter ».  La SEP, elle a pourri et pourrit toujours une partie de ma vie.  Mais si je ne l’accepte pas, je suis bien obligée de faire contre mauvaise fortune « pas trop mauvais cœur », autrement dit, je suis contrainte de « faire avec » parce que même si je dis à cette diablesse de rester sur le seuil, elle n’en fera qu’à sa tête…

Il m’est d’ailleurs maintenant tout à fait impossible de dire ce que je serais sans la SEP, elle a en quelque sorte façonné ma vie, ou, à tout le moins, laissé son empreinte indélébile sur moi depuis… – petit temps d’arrêt pour calculer – 28 ans.  28 ans que ces trois lettres sont apparues dans ma vie, d’abord dotées de très peu de signification puisque je ne savais à l’époque pratiquement pas ce dont il était question, ensuite de plus en plus prégnantes au fur et à mesure de « l’invasion » et de cette cohabitation forcée.  Ce qui est certain, c’est que si elle ne m’accompagnait pas depuis tant d’années, je serais autre.  De cela, je suis sûre.  Autre de quelle manière ?  Impossible de le savoir.  Comme il est impossible, selon moi, de dire comment l’on agirait dans telle ou telle situation tant qu’on n’y est pas confronté, tant qu’on ne la vit pas.  « Si j’étais…, je ferais », facile à dire.  A dire, seulement. 

10 réflexions au sujet de « SEP : J comme joie »

  1. Merci, Paikanne, pour ce partage ! Tes billets « SEP » sont toujours un moment de lecture particulier qui suscite maintes émotions … 🙂

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  2. Moi aussi Pascale, je te dis merci. Je t’admire, et te respecte. (et tiens, en passant, m…. au cons qui squattent les places réservées! Je ne supporte pas ça ! ) Puis j’aime toujours autant te lire, puis Eté 67 (tiens le 27 aout dans mon village, et gratuitement -à Esneux-, dommage que tu sois si loin !) Puis Jean Luc Fonck, une bien belle personne, (une de mes rencontres préférées, dans ce milieu..tu sais, celui de ma vie « d’avant » 🙂 ) Bon en parlant de rencontre, je ne désespère pas de te revoir un jour…. à un concert qui sait !
    Je t’embrasse,
    Maryline

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  3. Merci Maryline 🙂
    C’est vrai qu’Eté 67, ils sont le plus souvent « par chez eux » plutôt que « par chez moi » ; le 27 août, grande première, je vais devenir « figurante », ce devrait être, je l’espère, une belle expérience…
    Je pense aussi qu’on finira bien par se revoir un jour 😉

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  4. Quel billet émouvant… non seulement le propos l’est, bien évidemment, mais ta plume magnifie le sujet. Tu as bien raison de t’émerveiller devant les « petites choses » que tu décris, SEP ou pas d’ailleurs, elles sont pour moi les vrais bonheur de la vie… souvent inattendus, gratuits et tellement bons pour le moral. Quant aux handicapés du cerveau squatteurs des places bleues… j’ai souvent envie de sortir mon trousseau de clé et de griffer leur portière quand j’en croise…
    Merci t’avoir partagé ce petit bout d’intimité avec nous, Paikanne.

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  5. Ahhh, griffer la portière des handicapés du cerveau ….. une bonne idée, cela !
    Je ne me suis jamais garée sur une place « H…. », cela me semble « aller de soi » …. mais
    depuis que je connais Paikanne, je suis attentive aux voitures garées sur les deux emplacements bleus du petit Carrefour Market près de chez moi – et ailleurs aussi évidemment -…… et je ne manque pas de « faire une remarque » lorsque je vois un(e) conducteur(trice) ‘bon pied bon oeil » sortir de sa voiture ou y entrer. Le résultat : j’ai déjà eu droit à un haussement d’épaules, à un bras d’honneur, à une remarque désobligeante…..et même à des injures ! Ouf, personne ne m’a encore frappée …. 🙂

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  6. Héhé, figurante ! C’est vrai que ça doit être une chouette expérience ! Et j’en suis sûre (et j’espère ! ), tu nous raconteras ça… Bizzzz

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