La porte aux oiseaux, Katie Hickman

porte oiseaux.jpgPrésentation : Constantinople, 1599. Une délégation de marchands anglais s’apprête à remettre au sultan une extraordinaire horloge mécanique, présent de la reine. Parmi eux, Paul Pindar porte depuis deux ans le deuil de sa fiancée Celia Lamprey, disparue en mer. Lorsqu’il apprend la présence, derrière les murs interdits du harem, d’une jeune femme ressemblant en tous points à son amour perdu, une quête impossible commence. La situation semble d’autant plus désespérée qu’au sérail, une impitoyable lutte de pouvoir oppose la mère du sultan et sa favorite.

Des siècles plus tard, Elizabeth Staveley, jeune universitaire, découvre un fragment de manuscrit concernant une belle captive. Tout de suite, elle se passionne pour cette histoire tombée dans l’oubli depuis quatre cents ans. Entre amours interdites et enquête historique, Katie Hickman nous livre une grande fresque romanesque, dans le monde envoûtant d’un harem ottoman.

Mon avis : merci à Livr@ddict et aux Éditions JC Lattès pour ce partenariat ; j’ai pris beaucoup de plaisir à m’immerger dans la Constantinople de cette dernière année du XVIè.

Le récit est construit autour de deux époques : d’abord Constantinople, en 1599, dans le harem de Mehmet III, où règne en « maîtresse femme » Safiye, la sultane validé, mère du sultan.  C’est elle qui prend toutes les décisions, observe sans cesse, personnellement ou par l’intermédiaire de ses « alliés », manipule, déplace ses « pions « comme elle l’entend dans le but d’arriver à ses fins. 

C’est dans cet endroit particulier que l’on découvre Celia Lamprey, jeune Anglaise dont le bateau a fait naufrage deux ans auparavant et que tout le monde croit morte.  À ses côtés, Annetta, une des rares rescapées, l’amie sur laquelle elle peut compter pour tenter de décoder les règles, souvent implicites, de la vie au sérail. 

En alternance, nous suivons Elizabeth, universitaire qui se passionne pour Celia et aimerait en connaître davantage sur le destin de cette dernière.  Patiemment, elle tâche de retrouver les pièces éparses du puzzle afin, peut-être, de savoir si Celia a pu recouvrer la liberté.  On passe aisément d’une période à l’autre, la précision est chaque fois apportée en début de chapitre.

Les pages consacrées à Elizabeth ne sont pas fondamentales par rapport au récit de Celia mais elles apportent, par petites touches, un éclairage différent sur les péripéties vécues par la jeune fille.  Parallèlement, Elizabeth a fort à faire pour essayer de se libérer de l’emprise malsaine qu’exerce sur elle Marius, un séduisant quadragénaire papillonnant à qui mieux mieux.  La quête liée à Celia va l’y aider en l’emmenant à Istanbul.

Vous l’aurez compris, la part belle est faite aux pages consacrées à Celia, désormais recluse dans cette prison dorée alors que Paul Pindar, marchand anglais qui devait l’épouser dans son « autre vie » est précisément en mission à Constantinople, en compagnie de l’ambassadeur d’Angleterre. 

Les descriptions relatives au harem sont tantôt chatoyantes, à l’instar des étoffes et bijoux offert aux favorites, tantôt mélancoliques, voire cruelles, à l’image des complots qui s’y ourdissent quotidiennement : « Ils observent.  Ils observent et ils attendent. »  Combien devait-il être difficile de vivre dans un tel endroit o ù la solitude est un vain mot, où chacune épiait chacune, attendant d’être remarquée et élue par le sultan.

On chemine aux côtés de Celia et de Paul, espérant que leurs routes pourront à nouveau se croiser…  Je n’en dirai pas davantage mais la fin m’a paru être à l’image des indices distillés à travers le roman…  J’ajouterai que le texte se lit aisément et permet de se « figurer » cette ambiance oh combien particulière.

   « À l’extérieur de ses appartements, dans le corridor qui longeait la cour des femmes et menait aux quartiers des eunuques, Safiye perçut un menu tintement de porcelaine.  La maîtresse du café et sa suite attendaient à la porte.  Même sans le bruit, elle aurait su qu’il y avait des femmes, là, dehors : une légère appréhension dans l’air, une atmosphère soudain plus lourde. […]

   À une époque, quand Safiye venait d’arriver dans la Maison de la Félicité, le silence l’oppressait et la dérangeait.  C’était si différent du palais de Manisa.  Tous les trois, les rossignols, étaient encore ensemble.  Les souvenirs de ces temps-là regorgeaient de soleil.  Mais maintenant, depuis qu’elle était devenue sultane validé, elle reconnaissait enfin le silence pour ce qu’il était : une arme à utiliser, une ruse de chasseur comme toutes les autres. »

   « Quand Gulbahar l’introduisit chez la validé, Celia garda le regard fixé au sol, comme on le lui avait appris, n’osant pas relever les yeux.  Gulbahar s’était retirée, sans que Celia la voie ou l’entende partir.  Elle resta là un bon moment, écoutant le profond silence qui régnait entre les murs de la chambre de la validé, sous les hautes voûtes où pénétrait indirectement une froide lumière teintée de vert et d’or.

          Tu  peux lever les yeux, maintenant.

   Alors c’était bien vrai, ce qu’on racontait.  La voix était basse et légère, une voix d’or, mais aussi pleine de mystère ; comme on le lui avait dit, c’était la voix d’un ange. 

   –    Approche, cariye. (Une main se leva et à ses doigts, l’éclair d’une émeraude.)  Approche, esclave,  que je te regarde.

   Celia fit trois pas en direction de la voix.  Une silhouette très droite, étonnamment menue, se détachait sur la fenêtre.  Une cape de fourrure était négligemment drapée sur  ses épaules.  À ses oreilles, à son cou, des joyaux lançaient mille feux, et sa tunique, sous la fourrure de la cape, était tissée uniquement de fils d’or.  De longs rangs de petites perles s’entrelaçaient dans ses cheveux qui retombaient en une lourde natte sur une de ses épaules comme la chevelure d’une sirène. »

6 réflexions au sujet de « La porte aux oiseaux, Katie Hickman »

  1. Je viens de finir cette charmante dégustation livresque. J’ai aussi pas mal apprécié, mais avec un bémol (3 pour être exacte -cf mon blog bien-sûr !) ; donc pas un coup de cœur mais une lecture fort agréable. Un « tourne page », n’est-ce pas ?

    J’aime

  2. J’ai trouvé cette histoire très jolie surtout la partie Paul et Celia. Celle d’Elizabeth est moins intéressante mais comme tu le soulignes, elle permet de comprendre celle qui se passe dans le passé.

    J’aime

Laisser un commentaire