Élie et l’Apocalypse, tome 1 : Les trois Sages, Elen Brig Koridwen

Présentation. Le 21 décembre 2012, dernier jour du calendrier divinatoire maya, débute la fin des Temps annoncée par les Écritures : un oracle prédit l’avènement d’un « Messie universel » féminin.
En 2025, la prédiction s’accomplit. Traquée par des terroristes, Élisabeth fuit Paris sous la protection de théologiens dissidents et d’experts en paranormal qui vont la préparer à son destin.
Dans un monde écartelé entre ultratechnologie et essor des sciences occultes, entre saccage écologique et dictature de la pensée unique, comment mener à bien une mission qui la dépasse ?
Aidée d’un jeune marginal et de geeks américains, Élie devra avant tout se découvrir elle-même…

Premier ouvrage français de real fantasy (mi-fiction mi-documentaire), Élie et l’Apocalypse invente une réconciliation sans frontières des religions, de l’éco-humanisme laïque, de la science et des sciences occultes.

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Mon avis.  J’ai découvert ce récit via FB et puisque l’occasion était donnée de pouvoir en recevoir par courriel le début, je me suis lancée et cela, malgré ma crainte de devoir lire sur PC. Je ne me doutais pas alors qu’une fois dans l’engrenage, il me deviendrait impossible d’en sortir…

Petite pause le temps de recevoir cette belle brique (765 pages) par la poste et me voilà bien vite replongée dans cette atmosphère particulière…

Difficile d’évoquer l’histoire tant elle est dense et fourmille de réflexions tous azimuts, principalement relatives à un art de vivre respectueux de la Nature ainsi qu’aux religions.

Le point de départ, c’est Élisabeth, une enfant de neuf ans très précoce intellectuellement et par là même, profondément seule car souffre-douleur des lycéens qui préparent, comme elle, leur bac. Son seul ami : son voisin, Pat, un peu plus âgé qu’elle, un adolescent attachant qui réussit à « contourner le système de surveillance » imposé par la société.

Élie (diminutif oh combien évocateur : Yahvé/Jéhovah, « Dieu est Dieu ») n’a jamais l’esprit au repos ; même dans son sommeil, elle cogite, agitée par des cauchemars récurrents  à propos desquels elle peine à trouver une signification. Elle va bien vite prendre conscience que son destin est en route depuis très longtemps et qu’elle en devient, désormais, véritablement actrice… car le « Messie universel féminin », c’est ce petit bout de femme doté d’une intelligence hors-norme, désormais la cible à abattre pour des groupes religieux intégristes de tous bords, prêts à tout pour l’éliminer. Heureusement, Élie a aussi des alliés, ardents défenseurs du Bien et animés de pouvoirs particuliers, qui auront fort à faire pour tenter de la préserver.

J’ai beaucoup apprécié les personnages qui gravitent autour de l’enfant : chacun a sa personnalité propre, nuancée, et l’auteure ne s’est pas contentée de les esquisser comme c’est parfois le cas dans ce genre d’histoire. Qu’il s’agisse des trois Sages, aux aptitudes spécifiques en lien avec leur domaine de prédilection, des spécialistes spirituels ou encore des adolescents devenus compagnons de vie d’Élie. Petite attirance particulière de ma part pour Pat, entraîné de manière tout à fait imprévue (encore que ?) dans le tourbillon qui emporte l’enfant ; le rabbin Benanania (« Banania ») que je n’ai pu m’empêcher d’associer, « corpulencement parlant » uniquement, à Eytan Morgenstern (Le projet Bleiberg et Le projet Shiro de David S. Khara).

Interviennent également, ponctuellement mais pas innocemment, un groupe de geeks américains, férus du jeu WOB (World of Braincast) auquel s’adonne aussi Élie, lorsqu’elle en trouve le temps. Je pressens – j’espère (!) – qu’ils apparaîtront encore par la suite.

Malgré la réflexion présente tout au long de l’histoire qui demande parfois de la concentration et m’a amenée, de temps à autre, à relire certains passages pour m’en imprégner [je ne suis pas Élie, moi, ni par-devers elle l’auteure : chapeau bas pour cette érudition face à laquelle je me sens toute petite], l’humour n’est jamais bien loin, que ce soit à travers les interventions de Patrick, entre autres, ou par le choix des prénoms. C’est ainsi, pour ne citer qu’un exemple, que le robot chef cuisinier se nomme Bokuz et qu’il est aidé dans sa tâche par Savarin, le gustateur.

Et l’écriture, me direz-vous ?  Elle est diablement (!) efficace, fluide tout en n’étant pas dénuée de poésie, à l’image du lieu où sont cantonnés, durant ce tome, les protagonistes du roman.

   « Dehors, un froid acidulé picotait le visage. Le ciel encore laiteux transfigurait le parc velouté de rosée ; les pas des deux jeunes gens traçaient dans l’herbe humide des sillons argentés, comme des traînes d’escargot. Sous le soleil naissant, les cours d’eau exhalaient une brume irisée. » [p. 273]

   « Le logis d’Oliver Green (!) [le Franc-Jardinier] était étonnamment douillet, avec son âtre où dansait une belle flambée et son parquet semé d’une jonchée de tapis fleuris. De confortables fauteuils de cuir végétal amazonien entouraient une souche d’orme bien cirée sur laquelle s’épanouissait une grosse potée fleurie ; des rideaux imprimés de lierre habillaient les fenêtres et les montants d’un lit clos sculpté de figures naïves. Aux murs, des gravures botaniques ; sur le trumeau de la cheminée, une carré d’étoffe frangé d’or représentant Adam et Eve sous l’arbre de la connaissance. » [p. 340]

La (presque) fin est grandiose et ne laisse pas une seconde de répit au lecteur qui vit réellement l’action aux côtés des héros ; il est ressort pantelant, le souffle coupé.

Deux remarques pour terminer : indépendamment de l’épaisseur (!) et malgré le jeune âge de l’héroïne, le récit me paraît ardu pour de jeunes adolescents, une certaine maturité est nécessaire pour que le texte puisse pleinement se déployer ; c’est typiquement le genre de roman dans lequel le lecteur a été heureux de côtoyer les personnages, attendant avec impatience le rendez-vous suivant, comme l’on est heureux de retrouver des amis avec qui l’on fera un bout de chemin…

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