Meurtres pour rédemption, Karine Giébel

Présentation. Si jeune, Marianne devrait être insouciante et rêver à l’avenir, des projets plein la tête. Mais son seul rêve, c’est la liberté. Car Marianne est en prison. Perpétuité pour cette meurtrière. Indomptable, incapable de maîtriser la violence qui est en elle, Marianne refuse de se soumettre, de se laisser briser par l’univers carcéral sans pitié où elle affronte la haine, les brimades, les coups, les humiliations. La tête haute, toujours.

Elle s’évade parfois, grâce à la drogue qu’elle paye en nature, grâce aux romans qu’on lui laisse lire, grâce à ses souvenirs aussi. Grâce au bruit des trains, véritable invitation au voyage. Elle finit par apprendre l’amitié, la solidarité, et même… la passion. Mais sans aucun espoir de fuir cet enfer, hormis dans ses rêves les plus fous. Et puis un jour, l’inimaginable se produit. Une porte s’ouvre au parloir. Trois hommes, trois flics lui proposent un odieux marché, lui offrant une possibilité de quitter ce purgatoire…

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Circonstances. Ce roman m’a été offert voici quinze jours par deux élèves férues de lecture, en remerciement de l’année scolaire dernière passée ensemble. Une « belle brique » de 988 pages en poche. Elles se sont souvenues que j’avais aimé Les morsures de l’ombre (hé oui, étonnant, j’évoque mes lectures en classe). Merci Leïla et Merve.

Mon avis. J’ai passé une bonne semaine en compagnie de Marianne et depuis que j’ai terminé cette lecture, la jeune femme me poursuit…

Marianne a vingt et un ans et « s’est pris perpète » : « un vieux » qu’elle a tabassé pour son argent en est mort ; elle a tué un flic et blessé grièvement sa coéquipière enceinte, désormais handicapée ; elle a aussi tué une matonne qui n’arrêtait pas de lui chercher  des noises et lui pourrir la vie. Bref, Marianne, il ne faut pas « l’emmerder », d’autant qu’elle est experte en karaté et n’arrive décidément pas à contrôler la colère qui gronde en elle quand on fait du mal, ou à ceux qu’elle apprécie, ou à elle-même. Le nœud grossit alors en elle et finit (toujours) par exploser, nourrissant le monstre (qu’elle est – devenue -).

La moitié du livre est consacrée à la « vie » en prison : Marianne y est en isolement car dangereuse, incontrôlable, imprévisible ; mieux vaut donc prendre ses précautions. Pour les autres détenues. Pour le personnel. Pour elle-même, aussi ? Bof, si peu ; ce serait un soulagement pour (presque) tous d’être débarrassés de cette « dangerosité ». Une véritable bombe à retardement.

Les pages suent l’odeur du sang, de l’urine, de « la merde », des conflits latents, présents et (inévitablement) à venir. Difficile de savoir pour le lecteur sur quel pied danser avec la détenue de la 119 : tantôt, on sent poindre un peu de compassion à son égard ; tantôt, on la laisserait crever dans son coin, comme lorsqu’elle est contrainte d’accueillir une codétenue dans sa cellule : Emmanuelle. Pourriture alors que cette Marianne que l’on commençait pourtant à plaindre (un peu) malgré les horreurs commises…

Ce récit est un réquisitoire contre l’emprisonnement, l’enfermement, l’humiliation, la déshumanisation progressive et pourtant, on garde présent à l’esprit que la jeune femme est une tueuse, passée, présente et (presque) sans nul doute future. Chaque fois que l’on se dit que peut-être…, il se peut que…, pourquoi pas…, un événement revient mettre les choses à plat (!). C’est d’ailleurs en cela que le roman est (se veut ?) répétitif mais jamais, je n’ai été lassée, malgré la dureté, la cruauté de certaines scènes.

Un coin de ciel bleu dans cet antre du diable : les yeux de Daniel, le « chef », et bientôt Daniel lui-même qui lui apporte sa dose de clopes et d’héro, contre rétribution en nature. Oui, mais…

Un peu de « couleur » aussi grâce à Justine, une surveillante profondément humaine ; grâce à VM, célèbre détenue, « revenue de tout » ; grâce aux trains que Marianne entend au loin et lui permettent de s’évader (!)…

Beaucoup de noir aussi avec la Marquise, matonne qui donne la pleine mesure de son sadisme à travers son métier ; avec la Hyène, prisonnière qui s’acharne sur la jeune femme. Question de suprématie. Question de vie ou de mort.

La deuxième partie du récit est centrée sur la mise en œuvre et les conséquences du marché proposé à Marianne par des policiers « très spéciaux » en échange de son (éventuelle) liberté. De nouveau sont mises en lumière les multiples facettes de ce « kaléidoscope humain » ; un coup blanc, un coup noir et le lecteur, tout comme les personnages, compte les « poings » (!).

Il découvre çà et là des indices d’une innommable « crapulerie », avant même les protagonistes. Et alors que l’on pensait avoir touché le fond, on rebondit avec eux et ça fait mal. Très mal. Trop mal. Et pourtant, combien est-il difficile de rebondir dans la boue…

Un récit percutant, c’est le moins que l’on puisse dire. Et malgré/à cause de cette fange gangréneuse/gangrénée, l’émotion puissante à la fin…

11 réflexions au sujet de « Meurtres pour rédemption, Karine Giébel »

  1. Je comprends ton ressenti ! J’ai lu deux livres de cet auteur et j’en reste baba ! J’ai hâte de continuer. En ce moment, c’est un autre Français qui m’occupe, Thilliez !

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  2. Si j’en crois mon commentaire précédent, il m’aura donc fallu 3 ans pour enfin sortir ce livre de ma PAL et ton billet ne mentait pas le moins du monde : jamais de répit, dès que l’on voit une lueur d’espoir pour Marianne, BAM, on retombe encore plus bas. Quelle lecture épuisante psychologiquement. Surtout pour avoir visité les parloirs pendant 2 ans pour aller voir un proche, je sais que Madame Giebel exagère un peu, mais pas tellement finalement.
    Il va me falloir du temps pour reprendre mon souffle après cette lecture… Et cet épilogue.

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