Je sais que tu sais, Gilles Abier

Présentation. J’ai les mains moites. J’ai beau les frotter à plat sur mon jean, elles suent, elles suintent. Je ne suis pas quelqu’un qui transpire pourtant. Je peux danser une heure, courir vingt minutes, buller sous deux couettes, je reste au sec. Ça énervait mon frère d’ailleurs. Mon côté « poupée de porcelaine », comme il disait, jamais chiffonnée. Le teint frais. La tenue impeccable. Une vraie princesse, quoi ! Mais ça, c’était avant. C’était quand il était encore vivant. Aujourd’hui, j’ai le nez percé, le regard fatigué et le vide au ventre.

Jesais.jpg

Mon avis. Un très beau texte que j’aurais voulu voir se prolonger, tant il est bien écrit, mais aussi parce que je suis quelque peu restée sur ma faim…

Le lecteur entre d’emblée dans le vif du sujet : Axelle raconte la douleur qui est la sienne depuis que, trois ans auparavant, son frère Martial a été abattu par son meilleur ami. Six balles qui ont définitivement anéanti l’existence, non seulement de Martial, mais également de toute sa famille : Axelle elle-même qui a depuis lors rué dans les brancards plus souvent qu’à son tour, les parents dont l’incommensurable souffrance se mesure à la « mémoire (dés)espérément entretenue » du défunt, Louise, l’aînée qui s’efface. Sans oublier celle de Bastien, le meurtrier.

Ce récit raconte la présence, immense, de l’absence, celle qui « bouffe » chacun de l’intérieur et tente de prendre la place laissée vacante par la victime. Il faut sur-vivre, tant que faire se peut, même si pour cela, chaque membre de la famille s’écorche à la douleur des autres…

  « On pourrait se recueillir ailleurs, au pied du chêne aux trois troncs par exemple, cet arbre de conte de fées sur lequel Martial aimait grimper. J’ai eu beau les y emmener, leur apprendre que c’était son endroit préféré, qu’il lisait sur la branche qui pointait au-dessus de la rivière, se pendait à la plus haute pour parfaire ses abdos, eux veulent le marbre avec son nom écrit dessus et la plaque « A notre fils aimé ». Ils veulent la bruyère et le vase aux fleurs coupées, ils veulent les morts alentour, ceux qui vous mènent au vôtre, ceux qui confirment que vous n’êtes pas seuls dans la peine et les regrets. Et même si je n’ai pas besoin de respecter ce jour maudit pour penser à Martial, je n’ai pas le choix, je dois subir la douleur silencieuse de ma mère, l’indignation hystérique de mon père. » [p. 13 – 14]

 

L’auteur (de La piscine était vide) réussit à décrire l’indicible à travers le regard d’Axelle : les mots sonnent (terriblement) juste. Si elle veut éviter l’implosion, la jeune fille n’a d’autre choix que de grappiller, lentement mais sûrement (?), des bribes d’informations qui lui permettront de comprendre (?) le geste assassin et par là même, « éclairer » d’un jour nouveau ce frère chéri…

Merci aux éditions Talents hauts pour ce partenariat.

 

Ce titre entre dans le challenge « Jeunesse/Young Adult » (14).

jeunesse-young adult5.jpg

 

 

 

3 réflexions au sujet de « Je sais que tu sais, Gilles Abier »

Laisser un commentaire