Qu’importe la couleur du ciel, Valérie Cohen

Présentation. Et si les arbres généalogiques comportaient une case pour les amis de toujours, les amours défuntes, les maîtres à penser, les sauveurs ? À quoi ressemblerait le vôtre ?

N’ayant pu donner la vie, Sybille, indéniablement, y placerait sa famille de cœur. Elle cultive avec sa meilleure amie Gisèle une complicité depuis plus de cinquante ans, et c’est dans sa maison ardennaise qu’elle se réjouit de fêter son anniversaire auprès de ses proches. C’était compter sans les révélations de Mila, la petite-fille de Gisèle. […]

Mon avis. Sentiments divers…

Il m’a fallu très longtemps avant d’accrocher au récit – contrairement à la majorité des lecteurs visiblement – et je pense que c’est principalement à cause de la quatrième de couverture qui, selon moi, en dévoile trop ; c’est pourquoi je me suis permis d’en écourter la présentation. En effet, « l’événement » qui y est cité arrive très loin dans le récit – plus de cent pages -, il faut en outre attendre encore longtemps avant qu’il prenne sa pleine mesure. Or j’attendais plus ou moins (in)consciemment cet « événement » pour que démarre véritablement le roman.

Le roman alterne passé et présent et se centre sur différents personnages ; certains d’entre eux entretiennent des relations suivies, d’autres n’ont en apparence aucun lien avec les premiers. En apparence seulement puisque le récit se fait l’écho des ramifications qui se tissent, lentement mais sûrement, chaque élément trouvant progressivement sa place dans cette immense toile, même s’il faut attendre la fin pour que tout s’éclaire pleinement.

Le lecteur embarque tour à tour pour Bruxelles, La-Roche-en-Ardenne, l’Oise, Londres… sur les traces de Sybille, Gisèle, Mila, Noémie, Émile, Barbara…, autant de pièces d’un puzzle qui s’ignore.

Assez curieusement, je suis restée à distance de certains personnages qui m’ont laissée indifférente ; en revanche, deux m’ont particulièrement touchée : Sybille et Barbara, fortes et fragiles à la fois – à l’instar des autres personnages d’ailleurs, tout en nuances -. Sublimes figures féminines en souffrance intérieure…

« Des émotions contenues, des pensées cadenassées. Comme souvent, sa joie est fracturée, fragmentée par des réminiscences d’hier. Elles s’infiltrent dans les interstices de son bonheur. Sa gorge se noue et un froid familier la traverse. Tout en ne quittant pas des yeux la femme endormie, Sybille accueille avec philosophie cette partie d’elle-même dont elle n’arrive pas à se défaire. Elle a beau colmater les plaies, son histoire la rattrape souvent. Elle a appris à vivre avec ce que l’existence lui a donné, mais aussi et surtout avec ce qu’elle lui a repris. » [p. 17]

« Simuler était un art parfois inconfortable. Se sentir illégitime et faire illusion l’étaient plus encore. […]

Un éternel sourire pour une promenade en solitaire dans l’existence. Feindre encore plutôt qu’avouer que jeune fille, ses ambitions étaient bien plus vastes qu’un poste d’adjointe administrative dans une clinique du Brabant wallon au parc centenaire. Ses rêves étaient trop larges pour sa fine carrure. […] Des illusions en bandoulière. Elle avançait légère dans l’existence en égrainant les succès et les félicitations des professeurs. Elle grandissait sous l’œil affectueux et peu complaisant de sa mère. Devant elle, une vie à oser s’offrait.

Pourtant, cette image de carte postale s’était érodée au fil des ans. À tel point qu’aujourd’hui, il lui serait difficile d’y apposer un timbre-poste. À tel point qu’elle a du mal à supporter le regard aimant et déçu de Gisèle posé sur elle. Sans qu’elle comprenne comment, elle a enchaîné les défaites et les déconvenues. Des jours tristes et grisâtres. Des échecs. Sa vie se résume à une série d’insupportables frôlements. Un parcours inachevé. » [p. 97 – 98 – Barbara]

Une enveloppe venue de Suisse va faire voler en éclats la vie de chacun, lui permettant par la même de trouver sa place véritable sur l’échiquier de la vie. Peut-être.

Une très belle plume que celle de Valérie Cohen.

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce SP.

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