La Dernière Bagnarde, Bernadette Pécassou

Présentation. En mai 1888, Marie Bartête, vingt ans, embarque sur le Ville de Saint-Nazaire. Elle ne le sait pas encore, mais elle ne reverra plus jamais sa terre de France. On l’envoie au bagne, en Guyane. Marie, Louise, Jeanne, Anne, ses compagnes d’infortune, pensent avoir une vraie chance à Saint-Laurent-du-Maroni. On leur a dit qu’elles se marieraient et qu’elles auraient même un lopin de terre ! L’illusion sera de courte durée. […]

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Mon avis. Un récit poignant ; une réalité passée telle qu’elle n’est pas imaginable. Et pourtant…

Ce livre raconte le triste destin d’une des nombreuses sacrifiées françaises déportées en Guyane pour servir de chair fraîche aux bagnards désormais libres mais dans l’incapacité de se payer un billet de retour. Les conditions de (sur)vie sont abominables et si un pan de vérité a parfois été timidement dévoilé à la fin du XIXe siècle à propos des bagnards, rien n’a été écrit sur ces femmes…

Marie fut la dernière. Elle avait pourtant déjà connu son lot des misères lorsqu’à vingt ans, elle a vécu la déportation et puisqu’il fallait bien trouver un prétexte pour envoyer « des femmes » en Guyane, il lui a été notifié qu’elle prendrait la mer en raison des quelques larcins commis auparavant. Elle ne savait, pas plus que ses compagnes d’infortune, à quel point il s’agissait d’un passeport pour l’Enfer…

Après la traversée, comparable à bien des égards à celles évoquées dans les récits relatifs aux négriers, les femmes effectivement arrivées découvrent ce néant humide et étouffant, peuplé de créatures immondes, édentées, pouilleuses, prématurément vieillies, au regard concupiscent…

Alors qu’elles avaient presque réussi à se convaincre qu’elles se rendaient dans un endroit ensoleillé à la végétation luxuriante, là où elles réussiraient à fonder une famille dans un petit bungalow, au milieu d’un cadre enchanteur, la réalité les a durement rattrapées : rien, absolument rien n’avait été prévu pour elles. Les deux religieuses en charge du groupe allaient devoir se débrouiller avec les non-moyens du bord.

    » – Je connais, s’exclama le commandant. Pas besoin de me faire un dessin. Vous échouerez dans un vieux carbet qui a servi à tout et à rien. Méfiez-vous, ma mère, ça sent mauvais. Je connais ces carbets de Saint-Laurent, ils sont bas de plafond, ils puent l’humidité et la pourriture. Je vous donne un an pour être décimées ». [p. 89]

    Mise au ban des nations, la République envoyait sciemment mourir les siens dans d’atroces conditions. Des hommes et, pire, ces pauvres filles déjà condamnées par le destin à vivre dans la misère et coupables de peu de chose. […] Y avait-il, au-delà des nuages, un Dieu, comme le croyaient les sœurs ? Et s’il existait là-haut, alors à quoi servait-il ? Et surtout, à qui ? » [p. 90 – 91]


Difficile d’imaginer de telles conditions de vie et par la suite, viennent s’ajouter les « parloirs » dans le but de trouver un mari parmi les bagnards libérés, prémices d’une horreur encore plus grande.

    » Les repères et les valeurs habituelles qui régissent toute société normale s’étaient, ici, désintégrés ». [p. 243]


La fermeture du bagne de Cayenne n’est devenue effective qu’en 1946 ; on ne connaît pas la date de la mort de Marie, on sait juste qu’elle vivait encore en 1923 quand Albert Londres, un journaliste, s’en est venu recueillir des témoignages…

Merci aux Éditions J’ai Lu pour ce partenariat.


La couverture me permet d’illustrer l’idée n° 137 du challenge des 170 idées : quelque chose (si peu) en vie.

7 réflexions au sujet de « La Dernière Bagnarde, Bernadette Pécassou »

  1. Je viens de le terminer ….. Poignant, en effet …. Une lecture d’autant plus bouleversante que les faits sont réels ….
    Pour ma lecture suivante, je vais choisir un roman plus léger …… avec beaucoup de rose … 🙂

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