Les Ombres d’Esver, Katia Lanero Zamora

Présentation. Amaryllis a 16 ans et n’a jamais connu que la maison où elle est née, le domaine d’Esver, reculé, magnifique, mystérieux. Dans ce manoir qui tombe en ruines où elle vit seule avec sa mère austère, elle étudie la botanique avec l’espoir d’en faire son métier… Le jour où elles reçoivent une lettre du père annonçant la vente du domaine et le mariage forcé d’Amaryllis à un de ses associés, tout bascule. Pour échapper à ce destin, malgré les ombres qui hantent ses nuits, la jeune fille répondra-t-elle à l’aventure fantastique qui se cache derrière les portes fermées d’Esver ?

Couverture Les ombres d'Esver

Mon avis. Un récit d’équilibriste…

Le lecteur plonge dans un univers sombre, gothique, avec une maison en ruines, où le temps semble s’être arrêté depuis une soirée « mémorable » dont Amaryllis ne sait rien. Les portes dérobées, réseaux de couloirs secrets et autres caves renforcent l’atmosphère pesante qui imprègne les lieux.

   « La maison était traversée d’entre-murs, d’entre-sols, de doubles couloirs, de portes dérobées, de trappes, de monte-charges, de pièces à double-fond et d’escaliers en colimaçon qui étaient les voies des domestiques. » [p. 17]

   « L’horloge annonçait chaque matin l’avènement d’un autre genre de cauchemar.

   Amaryllis ne savait si elle craignait plus le crépuscule qui étendait les ombres ou l’aube qui réveillait sa mère. » [p. 21]

Amaryllis a seize ans et ne connait du monde que les murs délabrés qui les abritent, sa mère et elle, une mère austère qui régit de main de maitre leur existence misérable : tous les soirs, avant 20h44, elle somme sa fille d’ingurgiter une potion soigneusement préparée par ses soins. Pour quelle (véritable) raison ? Amaryllis elle-même l’ignore. En outre, l’adolescente est contrainte d’étudier la botanique sous toutes ses coutures – boutures – en vue de présenter un hypothétique examen d’entrée à l’Institut Théophraste d’Erésos, « la plus grande école botanique du monde » [p. 25], seul moyen apparent d’espérer quitter cette prison. Car il semble impossible pour la jeune fille de franchir les limites du domaine, quoi qu’elle entreprenne, et qui qu’elle puisse rencontrer alors qu’elle tente de le faire…

Le roman joue sur les non-dits, un habile embrouillamini qui perd le lecteur sur des sentiers détournés, à l’instar du réseau labyrinthique qui sous-tend la demeure. On ne sait sur quel pied danser : Amaryllis est-elle ou non « malade » ? Les « ombres » qui l’angoissent existent-elles ou sont-elles le fruit de son imagination ? Sa mère lui veut-elle du mal ou s’ingénie-t-elle, au contraire, à la protéger ?

   « Elle sursauta : quelque chose l’avait effleurée, elle en était certaine. Elle se retourna, mais il était peine perdue de chercher à deviner une ombre dans la pénombre. Elle la savait là, dans le coin de son œil, épousant chacun de ses pas. » [p. 53]

   « Une fois à l’abri dans l’escalier de service, le silence revint autour d’elle et elle se déboucha les oreilles, se laissa glisser contre le mur pour trouver un peu de repos dans le noir apaisant des coulisses. Elle regagna sa chambre et s’enferma à clef, haletante, encore sous le choc de la présence monstrueuse qui dormait derrière la porte. » [p. 145]

« Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. »

Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov

Merci aux éditions ActuSF pour ce partenariat.

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