Canicule, Jane Harper

Présentation. Kiewarra. Petite communauté rurale du sud-est de l’Australie. Écrasée par le soleil, terrassée par une sécheresse sans précédent. Sa poussière. Son bétail émacié. Ses fermiers désespérés.

Désespérés au point de tuer femme et enfant, et de retourner l’arme contre soi-même ? C’est ce qui est arrivé à Luke Hadler, et Aaron Falk, son ami d’enfance, n’a aucune raison d’en douter. S’il n’y avait pas ces quelques mots arrivés par la poste :

Luke a menti. Tu as menti. Sois présent aux funérailles…

Revenir à Kiewarra est la dernière chose dont Aaron a envie. Trop vives sont encore les blessures de son départ précipité des années auparavant. Trop dangereux le secret qu’il a gardé pendant tout ce temps. Mais Aaron a une dette, et quelqu’un a décidé que le moment est venu de la payer…

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Mon avis. Le livre est à l’image de la couverture : un régal, idéal pour réchauffer nos soirées d’hiver (à l’instant où j’écris ces lignes, il neige et l’osso bucco mijote).

Dès le prologue, j’ai été happée par le récit, agacée de devoir en interrompre la lecture pour « vaquer aux tâches du quotidien » : le triple meurtre qui ébranle Kiewerra y est évoqué. La scène s’inscrit d’emblée dans l’esprit du lecteur, figée dans la chaleur accablante du lieu, avec pour seuls mouvements le ballet des mouches qui ont commencé leur festin, accompagné des pleurs du bébé…

Ce drame est « l’occasion » pour Aaron Falk de revenir malgré lui « au pays », un endroit qu’il a quitté vingt ans auparavant en compagnie de son père, après que les choses ont « dérapé » suite à la mort suspecte d’une de ses proches amies. Or Luke Hadler, celui qui a tué femme et enfant avant de se donner la mort, est son ami d’enfance, celui qu’il a perdu de vue lors de son départ, même s’ils se voyaient très épisodiquement lorsque Luke se rendait à Melbourne où Aaron exerce son métier d’agent fédéral dans le service du renseignement financier.

Aaron a fait ce qu’il a pu pour « se défiler », de nouveau prêt à invoquer le prétexte du travail pour éviter de se rendre aux funérailles, jusqu’à ce qu’il reçoive ces quelques mots du père de Luke : « Luke a menti. Tu as menti. Sois présent aux funérailles…« 

Falk est donc présent : « Il jeta un coup d’œil à la route qui menait à la sortie de la ville, puis regarda sa montre. Les obsèques, la veillée funèbre, une nuit sur place, et salut la compagnie. Il calcula : dix-huit heures. Pas une de plus. » [p. 12]

Il a à peine franchi la porte de l’église que certains le reconnaissent et la mémoire des « éventuels distraits » sera bien vite rafraîchie lorsque seront projetées d’anciennes photos. L’atmosphère déjà oppressante en raison de la sécheresse va s’alourdir durant tout le récit : on sent que la moindre étincelle mettra le feu aux poudres (dans tous les sens du terme).

  « – Dieu sait que ce n’était déjà pas terrible avant. Tout le monde n’avait que deux choses en tête : le fric et la sécheresse. Et puis voilà que nous tombe dessus cette histoire avec Luke et sa famille. C’est horrible, Aaron. Absolument horrible. On n’arrête pas d’y penser. On se traîne tous comme des zombies. Sans savoir quoi dire ni quoi faire. On se surveille les uns les autres. En essayant de deviner qui sera le prochain à péter les plombs. » [p. 23]

Lorsque des secrets (que l’on espérait) enfouis dans le passé refont surface, couche après couche, à l’instar d’un oignon dont on ôte pelure après pelure, le risque d’ex/implosion est grand. Nombreux sont ceux qui mettent en garde Falk, dont les moindres déplacements sont épiés, surtout lorsqu’il décide de « donner un coup de main » au sergent Greg Raco débarqué récemment au commissariat, histoire d’être bien certain que les conclusions de l’enquête relative au triple homicide ne souffrent aucune incertitude.

Point d’action effrénée ici, point de courses-poursuites, mais un lieu chauffé à blanc qui porte sur les nerfs de tous et un passé qui resurgit constamment, entre autres via des passages en italiques, et pourrait bien éclairer le présent. Au point que le lecteur se perd en conjectures, allant jusqu’à soupçonner tour à tour bon nombre des protagonistes…

  « Il se peut que la personne qui se trouvait ici ce jour-là n’ait pas tué le bébé tout simplement parce qu’elle n’avait pas besoin de le faire, lâcha finalement Falk. Il n’y avait rien de personnel là-dedans. Peu importe qui vous soyez, les enfants de treize mois ne font pas de bons témoins. » [p. 62]

Un livre que je vous recommande ; un grand merci à Babelio et aux éditions Kero pour ce partenariat.

Traduction : Renaud Bombard.

Titre VO : The Dry.

Ce titre entre dans le challenge « Comme à l’école » et comme lecture supplémentaire dans le challenge de la Licorne.

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