Les impatientes, Djaïli Amadou Amal

Présentation. « Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. » Au nord du Cameroun, au sein des riches familles peules et musulmanes, la patience est la vertu cardinale enseignée aux futures épouses. Malheur à celle qui osera contredire la volonté d’Allah ! Entre les murs des concessions, où règnent rivalité polygame et violences conjugales, la société camerounaise condamne ces femmes au silence. Mais c’est aussi là que les destins s’entrelacent. Ramla, arrachée à son premier amour ; Safira, confrontée à l’arrivée d’une deuxième épouse ; Hindou, mariée de force à son cousin : chacune rêve de s’affranchir de sa condition. Jusqu’où iront-elles pour se libérer ?

Mon avis. Un récit révoltant qui se lit d’une traite…

Destins croisés de 3 femmes dans une société où le féminin n’a pas droit de cité, il dispose juste de celui de se taire, s’effacer même devant la toute-puissance masculine. Surtout faire en sorte que les convenances soient officiellement respectées, quelles que soient les conséquences pour les principales concernées…

Ramla est contrainte d’épouser « un vieux » alors qu’elle aime un jeune homme prêt à lui offrir ce dont elle rêve.

« Durant tout le trajet, je pleure. J’ai envie de hurler aux curieux qui, agglutinés au bord de la route, saluent par des cris le cortège nuptial :

« Sauvez-moi, je vous en supplie, on me vole mon bonheur et la jeunesse ! On me sépare à jamais de l’homme que j’aime. On m’impose une vie dont je ne veux pas. Sauvez-moi, je vous en conjure, je ne suis pas heureuse comme vous voulez le croire ! Sauvez-moi, avant que je ne devienne à jamais l’une de ces ombres cachées à l’intérieur d’une concession. Sauvez-moi avant que je ne dépérisse entre quatre murs, captive. Sauvez-moi, je vous en supplie, on m’arrache mes rêves, mes espoirs. On me dérobe ma vie. »  » [p. 89 – 90]

Hindou, quant à elle, a dû épouser son cousin Moubarak, à la réputation sulfureuse, alcoolique, violent. Sa route est douloureusement tracée dès sa nuit de noces…

« Il se lève brusquement et, d’un mouvement imprévisible, me jette brutalement sur le lit et arrache mes vêtements. Je me défends autant que je peux. Quand il déchire mon corsage, je le mords farouchement. Il retire sa main d’où perlent des gouttes de sang. Furieux, il se met à me frapper. Je crie, je me débats, quand un coup violent m’assomme, et je tombe en travers du lit. » [p. 105 – 106]

Safira jouera le rôle de première épouse depuis que son mari, qu’elle aime, a décidé d’épouser également Ramla, bien plus jeune.

« Mon Dieu, comment faire face à cette fille à peine plus âgée que ma propre fille et qui s’arroge le droit de me prendre mon époux ? Comment pourrais-je le supporter ? Comment montrer bonne figure comme l’exigent les convenances ? Que faire pour ne pas perdre la face ? » [p. 185]

Chacune luttera avec les moyens dont elle dispose avec, en toile de fond, le discours lancinant entendu à maintes reprises : « Patience ». Même quand tu te fais bafouer, humilier, terroriser, « tabasser ». « Patience ».

Merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

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