Les sœurs d’Auschwitz, Heather Morris

Présentation. « Je veux que vous me promettiez et que vous promettiez chacune à vos deux sœurs de toujours veiller les unes sur les autres. Que vous ne laisserez rien vous séparer. Compris ? « 

Slovaquie, 1942. Les années ont passé depuis que Livia, Cibi et Magda Meller ont fait ce serment à leur père. Car dans une Europe désormais à feu et à sang, chaque jour est un sursis pour les trois adolescentes juives.

Pourtant, quand Livia est arrêtée par les nazis, Cibi tient sa promesse et suit sa sœur dans l’enfer d’Auschwitz, où elles seront bientôt rejointes par Magda.

Confrontées à l’horreur et à la cruauté du camp, les trois sœurs vont formuler un nouveau vœu. Celui de survivre. Ensemble.

Mon avis. Un récit à lire aussi pour « l’après »…

Après avoir lu et apprécié Le tatoueur d’Auschwitz et Le voyage de Cilka, je me suis lancée dans ce récit, lui aussi basé sur des témoignages…

Le récit débute par la promesse que se font les trois petites filles en 1929 : celle de veiller l’une sur l’autre, quoi qu’il advienne. Cibi, Magda et Livi ont alors respectivement 7, 5 et 3 ans.

« Menachem Meller regarde ses jolies filles dans les yeux. Elles sont insouciantes, elles ignorent les dures réalités de la vie hors de leur petite maison bien tranquille. […]

Demain aura lieu l’opération pour extraire la balle de son cou. Pourquoi celle-ci ne pouvait-elle pas rester où elle était ? Il n’a cessé de prier pour avoir davantage de temps auprès de ses filles. » [p. 13]

Mars 1942. Menachem n’a pas survécu à l’opération ; les trois sœurs vivent désormais avec Chaya, leur maman, et Yitzchak, leur grand-père. Cibi fait partie d’un « programme de formation visant à enseigner aux jeunes les compétences nécessaires pour commencer une vie nouvelle en Palestine », la Hakhshara. [p. 21]. Magda a de la fièvre et pour éviter qu’elle soit emmenée pour « travailler » pour les Allemands – c’est, selon les rumeurs, le lot des jeunes Juifs -, le docteur Kisely l’admet à l’hôpital. Quant à Livi, elle n’a que quinze ans, elle ne risque donc rien. C’est ce qu’ils croient en tout cas…

Les amis de la veille sont devenus des ennemis enrôlés dans la Garde Hlinka, chargée de faire la chasse aux Juifs. Livi est bientôt sommée de rejoindre d’autres jeunes contraints de « travailler » pour les Allemands. Nul ne le sait, mais c’est un aller simple pour Auschwitz. Cibi décide de tenir sa promesse et de l’accompagner. Le début de l’enfer…

« Mais ensuite, les sœurs sont paralysées par la vue des hommes à la tête rasée et aux joues creuses qui déferlent sur le train. Vêtus de chemises et de pantalons rayés bleu et blanc, ils se déplacent comme des rats fuyant un navire en train de couler, puis ils se hissent dans les wagons et commencent à lancer les valises des filles sur le quai. » [p. 66]

Le froid, la faim, la promiscuité, les coups, le travail forcé, les maladies, les sélections se succèdent et toujours les sœurs se soutiennent. Quand l’une est près d’abandonner, l’autre lui insuffle l’énergie de continuer à survivre. Et dans cet enfer, parfois surgit un soupçon « d’humanité » – côté prisonnières ou côté bourreaux – qui les aidera à tenir. Leur seul réconfort : l’idée que Magda échappe à l’innommable…

« Si 1943 est une nouvelle année, elle ressemble à s’y méprendre à 1942. Livi travaille au Kanada et Cibi est l’assistante de l’officier SS Armbruster ; elles sont donc au moins encore ensemble au détachement des foulards blancs. Cibi ne prie toujours pas, mais chaque soir elle murmure « Mumma, Magda, Grand-père » et les imagine chez eux, en sécurité dans la petite maison de Vranov. Chaque nuit, elle serre Livi dans ses bras. C’est ainsi qu’elles tiennent bon. » [p. 129]

Septembre 1944, c’est au tour de Magda d’être déportée : des mois et des mois qu’elle attend de rejoindre ses sœurs, sans savoir où elles se trouvent. Sans savoir ce qu’il leur est arrivé. Elle-même débarque à Birkenau. La promesse est désormais honorée…

Le récit, écrit après la rencontre entre Heather Morris et Livi et Magda – Cibi étant décédée en 2015 -, suite à la lecture du Tatoueur d’Auschwitz, que les sœurs ont connu, raconte également l’après Auschwitz, la marche de la mort, l’installation en Israël et l’amour indéfectible qui unit les sœurs. La culpabilité aussi, celle d’avoir survécu, parfois au détriment d’autres ; pour Magda, celle d’avoir été sauve beaucoup plus longtemps que ses sœurs ; pour d’autres rescapés, d’avoir « moins » souffert. Et cela, même si « Ce n’est pas une compétition. Ton histoire est terrible, toutes nos histoires sont aussi abominables les unes que les autres. » [p. 453]

Le livre se termine avec des documents d’époque, photos et postfaces de Livi – toujours en vie, Magda étant décédée en 2022 – et membres de sa famille.

Traduction (anglais – Australie) : Marie-Axelle de La Rochefoucauld.

Titre VO : Three Sisters (2021).

Un grand merci aux éditions J’ai Lu pour ce partenariat.

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